Par Marc Mayor (*)
La question que se posent la plupart des investisseurs est : que va faire le marché à l’avenir ?
La plupart du temps, il s’agit d’une question idiote. Cela revient à se demander, au jeu de pile ou face, de quel côté la pièce va tomber la prochaine fois. Pour cette raison, un nombre toujours croissant d’investisseurs — dont je fais partie — a choisi de gagner de l’argent quoi que fasse le marché.
Parfois, pourtant, les circonstances font que l’on a tout de même une petite idée de la direction du marché. Oh, pas au jour près, bien sûr… mais suffisamment pour gagner beaucoup d’argent sans risquer trop.
Les plus mauvais titres sont ceux qui performent le mieux
Il se trouve que, depuis le rebond de mars dernier, une tendance claire se dégage : il y a une corrélation inverse certaine entre la qualité des actions et leur récente progression.
Les titres qui ont en moyenne progressé de 100% ou davantage jouissent d’une note allant de CC à CCC. En langage clair, il s’agit, dans le meilleur des cas, d’entreprises dont le risque banqueroute est substantiel, voire extrême… et dans le pire des cas de sociétés en défaut de paiement, avec peu de chances de s’en sortir. A l’autre bout du spectre, les groupes dont le risque de crédit est proche de zéro (triple A) ont nettement moins bien performé que les indices.
Comment expliquer cet engouement pour des actions de mauvaise qualité ?
Comme je le suggérais à l’automne passé, ce mouvement est imputable en grande partie aux program trading. En d’autres termes, aux machines appartenant à certains hedge funds.
Désormais, les ordinateurs sont les nouveaux rois de la corbeille depuis que l’argent, avant placé dans les stratégies alternatives peu liquides du genre valeur relative, a été réinjecté dans des approches hyper-liquides comme les contrats à termes gérés par les Commodity Trading Advisors (CTA, les spécialistes des futures sur matières premières.)
Ces supercalculateurs savent, en gros, gagner de l’argent de trois manières
– En suivant les tendances ;
– en jouant les explosions de volatilité après une période de calme ;
– et en misant sur des zones de congestion et de rebond.
Ainsi donc, jusqu’à la fin de la première semaine de mars, la plupart de ces fonds automatisés ont joué des petites actions à la baisse, tant il est vrai qu’il est plus facile de rosser un petit enfant malingre qu’un champion du monde de boxe.
Dès que le rebond a pointé son vilain museau, les ordinateurs ont alors couvert leurs positions baissières à toute vitesse, ce qui explique la réduction de plus d’un milliard d’actions vendues à découvert entre le 13 mars et le 15 mai derniers.
En parallèle, il s’agissait de gagner sur le rebond en pariant, cette fois à la hausse, sur les actions qui avaient le plus perdu. L’idée était que plus un titre s’était effondré, et plus il rebondirait violemment, ce qui en ferait une meilleure source de profit que d’autres actions moins volatiles, quoique de meilleure qualité.
Quel est le scénario probable pour l’avenir ?
Il suffit de garder les yeux sur les chiffres de program trading. Ceux-ci avaient atteint un plancher à 16% en octobre, tandis que les humains paniquaient ; le signal d’achat qui en découla jusqu’au pic de 41% en décembre fut passablement profitable.
Il y a fort à parier que, suite au fort rebond ainsi qu’aux déclarations lénifiantes de la plupart des responsables politiques mondiaux, de nombreux petits épargnants se sentent désormais rassurés par la situation économique. Si ce sont eux qui achètent désormais, tandis que les machines se désengagent, alors les superordinateurs pourraient nous faire le coup de la trappe, bien connu des amateurs de dessins animés.
Voici comment cela ça fonctionne : il s’agit, de manière concertée et relativement ordonnée, de déclencher une vague d’ordres qui crée une panique. L’idée est de convaincre, dans le laps de temps le plus court, les petits investisseurs qu’ils doivent désormais perdre les pédales.
En général, cela nécessite un prétexte, comme par exemple une déclaration de la Réserve fédérale, des statistiques économiques étonnamment mauvaises, ou encore un résultat très décevant de la part du poids lourd d’un secteur important. Il n’est même pas impossible que ce soit le prix du pétrole qui fasse à nouveau figure d’épouvantail. Une fois que la panique s’installe, les marchés repartent alors à la baisse, pour tester voire enfoncer (en termes réels si ce n’est en termes nominaux) les précédents planchers. Comme la plupart des résultats du deuxième trimestre, et notamment ceux du secteur financier qui a si bien rebondi, sont attendus dans les deux mois qui viennent, il est à supposer que… la fin du rebond est proche.
Meilleures salutations,
Marc Mayor
Pour la Chronique Agora
(*) De nationalité suisse, Marc Mayor est le fondateur d’Inside ALPHA, service d’information et de conseils financiers. Actif en Bourse depuis 1987, Marc Mayor a affiné au fil des ans une approche solide et disciplinée de l’investissement, basée sur le money management, une gestion rigoureuse du risque et des stratégies neutres au marché. Marc intervient régulièrement au sein de L’AGEFI Suisse, et participe à de nombreuses conférences pour investisseurs individuels. Vous pouvez le retrouver sur le site Le Coin des Insiders.