▪ Difficile de nier que la psychologie du marché apparaît haussière depuis une dizaine de jours — c’en est même devenu quasi obsessionnel. N’importe quel prétexte justifiant un rally des indices boursiers fait aussitôt la une des pages d’accueil des sites d’information économique. Parallèlement, les mauvaises nouvelles sont reléguées en bas de colonne, vite enfouies sous une succession de dépêches qui ressassent en boucle les éléments positifs des dernières heures.
C’est ainsi qu’il ne fut rapidement plus question de l’enfoncement des 2 000 points, le plancher annuel de 2012 puis historique de mars 2009 par le principal baromètre boursier chinois, le SSE — l’indice représentatif de la Bourse de Shanghai. Idem pour la cassure des 2 150 points par l’indice de la Bourse de Shenzhen.
Vous n’entendez plus parler de la révision en baisse des prévisions de l’OCDE depuis que les Européens se sont entendus pour éviter la banqueroute immédiate de la Grèce grâce à des bidouilles qui évitent de présenter la note aux contribuables européens avant 2015. Les derniers prêts accordés (qui ne sont que des dons différés dans le temps) évitent que les agences de notation évoquent une situation de défaut, même si tout le monde sait bien que c’est de cela qu’il s’agit.
▪ Un épouvantail nommé falaise fiscale
Exit donc le risque de crise grecque, ne reste que la question de la falaise fiscale. C’est encore un coup de génie des médias que de brandir cet épouvantail à moineaux alors que le vrai danger provient du fait qu’il est planté au milieu d’un champ de mines !
Faites tomber l’épouvantail (en soufflant dessus) et tout le monde cesse d’avoir peur. Pourtant la confiance dans la dette américaine risque d’exploser à tout moment vu l’incapacité chronique du pays à contrôler puis réduire la dérive de ses déficits.
C’est ainsi que Wall Street affichait un moral d’acier à la mi-séance. Le Dow Jones a maintenant repris 200 points sur ses planchers du début de séance (12 765 points vers 16h10). Le S&P et le Nasdaq ont gagné plus de 0,4% (au lieu d’une perte de 1% vers 16h).
Les acheteurs se sont jetés sur la première rumeur de rapprochement des points de vue entre démocrates et républicains — leur chef de file John Boehner exprime l’espoir de pouvoir parvenir à un accord avec la Maison Blanche — pour ramener les indices boursiers dans le vert. Il s’agit là d’une rumeur qui semble avoir commencé à circuler vers 16h20.
Il ne faut cependant pas prendre la hausse des dernières heures pour argent comptant, car la question cruciale pour Wall Street, c’est le degré d’alourdissement de la fiscalité sur les valeurs mobilières. Personne n’a jamais vraiment redouté la mise en oeuvre de coupes budgétaires automatiques qui auraient plongé les Etats-Unis sans la récession.
Or les républicains continuent d’exiger une nette baisse des dépenses de l’Etat fédéral. Sauf –comme par hasard — dans le secteur militaire ou celui de la sécurité intérieure (où les plus grosses économies pourraient être réalisées).
▪ Paris réagit malgré de faibles volumes
Face aux rumeurs de la fin de séance de mercredi, le fait le plus singulier, ce fut la réactivité de Paris (0,37% au final à 3 515 points), dont l’inversion de vapeur survenue dès 16h05 a largement devancé celle de Wall Street (timide hausse à partir de 16h10).
Ce pourrait être l’une des conséquences les plus remarquables de l’extrême étroitesse des volumes sur les valeurs du CAC 40 et du SBF 120 (1,5 milliard d’euros échangés à 17h29, deux milliards d’euros à 17h35).
L’indice phare qui oscillait depuis plus de six heures au sein d’un corridor 3 485/3 490 n’a pas tardé à revenir à l’équilibre puis à repasser dans le vert, bien avant que les indices américains n’effacent leurs pertes initiales.
Il faut dire que vers 16h10, le Dow Jones reculait de plus de 100 points après publication d’un indices des ventes de logements neufs décevant (-0,3%… mais le chiffre est faussé par l’ouragan Sandy).
Le CAC 40 a fini en tête du peloton européen à 3 515 points, tandis que le FTSE et le DAX grappillaient respectivement 0,05% et 0,13%. L’Euro-Stoxx 50 affichait 0,15% alors que Madrid et Milan reculaient de 0,2 à 0,35%.
Des écarts très éloignés de ceux observés à Wall Street au coup de cloche final. Les commentateurs et les opérateurs américains avaient du mal à masquer leur jubilation alors que les indices américains ont fini au plus haut du jour, après avoir doublé leurs gains en seconde partie de séance.
Le Dow Jones (+0,83%) a manqué de peu de renouer avec les 13 000 points mais le S&P (+0,8%) a rejoint la récente résistance des 1 410 points.
Wall Street a vite oublié la déception liée aux chiffres des ventes de logements neufs pour se focaliser sur les annonces de versement de dividendes exceptionnels avant le 31 décembre. Cela profite surtout aux ménages les plus aisés qui détiennent un gros portefeuille, mais il n’est pas certain que cet argent sera réinvesti dans les actions si la taxation sur les dividendes est effectivement relevée.
Cette générosité — très opportuniste — est rendue possible par des trésoreries pléthoriques… un signe apparent de bonne santé.
Mais en creusant un peu, il apparaît que beaucoup de l’argent distribué aux actionnaires provient aussi des sommes empruntées à taux quasi nul par les entreprises cotées — celles qui ne le sont pas ne procèdent pas à ce petit tour de passe-passe.
L’année 2012 pourrait être marquée par une culmination historique du montant des dividendes distribués, mais cette manne céleste n’a pas de rapport avec les profits effectivement réalisés. Ils ont eu tendance à se contracter à l’issue des deux derniers trimestres ; même Apple a revu à la baisse ses objectifs pour la période octobre-décembre.
Cela ressemble beaucoup au bouquet final. Après ne subsistera que l’odeur de la poudre brûlée.