L’or et le bitcoin : quels sont leurs points communs ?
Hier, nous avons vu que l’ETF Bitcoin n’avait pas eu tant d’effet sur le marché.
Mais qu’en est-il de l’engouement supposé d’un nouveau public pour « l’or numérique », instaurant une sorte d’équivalence entre l’or et le Bitcoin ?
Standard Chartered Bank tente d’établir un lien, sans même recourir au concept de « rareté » (qui n’est pas pertinent à 100%, l’or pouvant être indéfiniment récupéré et recyclé), ce qui constitue une approche originale et digne de vous être exposée. « Le prix de l’or a été multiplié par 4,3 au cours des 7 à 8 années qu’il a fallu pour que des ETP sur l’or voient le jour. L’or a grimpé de 450 $ à plus de 1 820 $ au cours des cinq années qui ont suivi l’approbation du premier ETF, soit une augmentation de près de 350%. »
Mais comparaison n’est pas raison, et l’explication mécaniste ne tient pas : ce sont des facteurs macroéconomiques et des choix expérimentaux manifestes comme le recours massif à la planche à billet (couplée à la crise de l’euro en 2011) qui ont fait bondir l’or, ainsi que le Bitcoin.
Symétriquement, le marché des crypto-actifs obéit à ses propres dynamiques, bien différentes de l’or, et la valeur du Bitcoin – qui n’a pas le track record de l’or sur cinq millénaires – dépend aussi des développements réglementaires qui joueront ou non en sa faveur (les banquiers centraux pourraient tout à fait obtenir que le BTC devienne hors la loi pour une longue liste de motifs crédibles ou fallacieux).
La Fed, associée à BlackRock – qui ne tardera pas à s’imposer comme le n°1 mondial sur l’ETF Bitcoin, comme sur une majorité d’autres ETF –, pourrait bien orchestrer une pression à la baisse comparable à celle infligée à l’or depuis des décennies au travers de (faux ?) certificats Or et contrats à terme réplicables et vendables à l’infini… tant qu’une contrepartie acheteuse se présente.
Mais qui a envie de se mesurer à BlackRock, et qui peut raisonnablement croire que le Bitcoin est complètement « libre » si la Fed peut réguler sa volatilité au travers de la manipulation de la liquidité ?
Est-ce que BlackRock ne serait pas pire que les « baleines », qui sont déjà passées maîtres dans l’exploitation à tour de rôle des « esprits animaux » (emballement haussier) et de la peur de tout perdre (après tout, le BTC n’a aucune valeur intrinsèque autre que celles que les détenteurs veulent bien lui accorder).
Prenez Internet, imaginez des pénuries de courant ou un piratage géant, le réseau indisponible : le BTC n’est plus négociable… que devient sa « valeur » ?
Il est de plus en plus communément admis – et c’était ma vision dès 2013 – que la seule référence financière fiable, c’est le coût énergétique de son minage (25 000 $ actuellement en moyenne, mais cela passera mécaniquement à 50 000 € d’ici fin avril, avec la division par deux de la récompense offerte à ceux qui n’auront bientôt plus d’autre choix que d’atteindre une autonomie en matière de production de courant à bas coût pour alimenter leurs fermes de minage).
Alors certes, les mineurs performants vont bientôt se raréfier, ce qui devrait jouer en faveur du BTC, mais quel serait le destin de l’or, si ceux qui l’extraient décidaient arbitrairement tous les quatre ans de multiplier par deux son coût de production, en doublant par exemple la quantité de courant nécessaire pour concasser le minerais aurifère ou la quantité de gasoil nécessaire pour le transporter, en faisant faire aux camions deux fois le tour du site minier avant de décharger leur cargaison ?
Et doubler le coût de minage, qui n’est autre qu’un équivalent du coût énergétique, fait-il sens à une époque où la priorité des priorités consiste à « sauver la planète » par le biais de la décarbonation ?
Alors bien sûr, j’entends les objections des « Bitcoin maximalists » qui affirment que les crypto-mineurs développent des sources d’énergie alternatives décarbonées… mais, contrairement au courant produit pour l’industrie minière (carboné ou non), le produit du minage n’a aucune existence ni usage concret pour la collectivité. Pour 36 000 $ d’énergie, on obtient un lingot d’or avec de multiples usages monétaires ou industriels ; pour 50 000 $ d’énergie, on n’obtient avec le BTC qu’une inscription numérique valant « preuve de calcul ».
Jamais l’humanité n’aura dépensé autant d’énergie – et programmé d’en dépenser le double tous les quatre ans – pour obtenir un résultat purement virtuel dont la valeur est un proxi de l’énergie, mais dont la valeur n’est que celle que veulent bien lui reconnaître ses détenteurs.
Ajoutons que l’or non numérique, une fois transformé en unités monétaires, ne requiert aucune dépense d’énergie supplémentaire lorsqu’il est utilisé pour une transaction : l’or se suffit à lui-même et le paiement en or n’a pas besoin de subir une coûteuse « vérification » (proof-of-work) pour qu’un paiement soit validé.
Et s’il était inscrit dans un white paper que l’or physique verra son coût de production doubler tous les quatre ans, plus personne ne l’utiliserait et se contenterait de le thésauriser, puisque la hausse de son prix serait certaine par principe. Il perdrait immédiatement sa fonction de monnaie pour devenir un objet d’accumulation de valeur, venant concurrencer frontalement la monnaie frappée par le Royaume, l’Empire, la Banque Centrale, ce qui est fondamentalement intolérable de leur point de vue.
Alors pourquoi le tolèreraient-ils sous une forme devenue très pratique pour n’importe quel spéculateur ou amateur d’alternative à la « FIAT monnaie » officielle ?
En adoptant la cotation des ETF, la SEC ne vient-elle pas d’offrir à la banque centrale la possibilité de vendre à découvert le BTC et de condamner l’activité du minage si le cours est maintenu sous le seuil de rentabilité ?
Et contrairement à l’or physique, la disparition de l’or numérique ne priverait l’humanité d’aucun « matériel » utile (applications industrielles, stockage concret de valeur bénéficiant de cinq millénaires de « confiance ») et participerait à l’effort de décarbonation… sans justement le moindre effort ni privation pour les habitants de la planète.