L’activité sur les ETF qui était supposée exploser à tout simplement fait le contraire.
Cela fait maintenant une semaine que Wall Street digère l’autorisation de cotation des ETFs Bitcoin par la SEC.
La date du 12 janvier n’a pas été choisie au hasard, puisqu’il s’agissait du 15e anniversaire présumé d’un premier échange de bitcoins entre l’adresse attribuée à « Satoshi Nakamoto » et celle de Hal Finney. Il s’agissait bien de deux ordinateurs distincts et de deux adresses IP différentes, c’est là une certitude, mais c’est bien la seule à laquelle s’accrocher, puisque le mystère demeure entier sur l’identité du concepteur du Bitcoin. Tout le reste – et c’est ainsi que naissent les légendes – demeure affaire de théorie : la plus simpliste serait que « Satoshi » et Hal Finney soient une seule et même personne.
A moins de retrouver des notes secrètes égarées dans le cloud, personne n’en saura rien, car ce brillant informaticien et développeur de jeux vidéo tombera malade peu après avoir participé – comme premier destinataire – à un échange de BTC portant sur une valeur de quelques millièmes de dollars. Il décèdera quatre ans plus tard d’une sclérose latérale amyotrophique sans avoir rien révélé de ce qu’il savait (ou ignorait) de « Satoshi ».
Lorsque l’on mesure le niveau de technicité et de degré d’aboutissement d’un projet tel que le Bitcoin (qui requiert à la fois des connaissances approfondies de la théorie de la monnaie et un savoir-faire très sophistiquées en matière de cryptage), soit Hal Finney cachait bien son jeu, soit il a participé à la genèse d’un projet concocté par des « dissidents » qui pourraient être, vu leur niveau, des experts de la NSA ou d’une autre agence ayant travaillé sur les transferts de capitaux furtifs, les communications cryptées, mais également réalisé une analyse critique de la création monétaire « out of the thin air » des banques centrales (c’est-à-dire le faux-monnayage légal).
Quinze ans plus tard, le Bitcoin n’a toujours pas été « hacké » et son concept de rareté attaché au minage de 21 millions d’unités fait désormais l’objet d’un véritable culte.
Il se renforce à chaque halving, c’est-à-dire réduction de 50% de la récompense octroyée aux mineurs qui vérifient et agrègent les blocs de données concernant tous les transactions impliquant le BTC.
Tout un écosystème s’est constitué à partir du white paper du Bitcoin – la blockchain n’en est que l’aspect le moins original, puisque le mieux maîtrisé par un large effectif de développeurs, et bien sûr, par tous les mineurs. Sa résistance à toutes les tentatives de fraude, grâce à sa structure décentralisée et l’inviolabilité de son « code », lui a permis de dépasser son statut de crypto-actif pour obtenir le qualificatif d’or numérique.
A partir du moment où une telle image (très « impactante » du point de vue marketing) vient s’ancrer – à force d’être martelée par ses supporters – dans l’imaginaire collectif, tout démenti rationnel s’avère vain : une clientèle animée par une véritable foi dans un actif révolutionnaire, y compris au sens politique du terme, devient demandeuse.
La complexité d’acquisition d’un BTC en tant qu’unité négociable, les précautions à respecter pour sécuriser sa possession, la disparition de son anonymat et la fiscalisation des profits constituaient d’importants freins. De quoi rebuter ceux qui trouvent fort commode les turbos et autres dérivés ayant des effets de leviers comparables à certaines cryptos parmi les plus volatiles.
La simplicité d’usage devait conduire le BTC, selon nombre d’experts, à une envolée historique dès l’approbation de sa réplication via des ETF, le transformant du jour au lendemain en un produit financier facile d’accès, pour tout type d’investisseur tolérant un risque élevé sur une fraction de son patrimoine.
A chaque rumeur d’approbation imminente par la SEC, un feuilleton qui dure depuis un an, le BTC prenait 10 ou 20%. Chaque déception ne lui faisait reperdre qu’une fraction du terrain gagné. Des hauts toujours plus hauts, des creux chaque fois moins bas, la tendance haussière était solidement établie… Et à chaque repli, des experts validaient des objectifs encore plus ambitieux (100 000 $, 170 000 $ d’ici fin 2024 pour Scaramucci). Plus l’heure de son adoption tardait, plus l’attente était élevée, chez un nombre chaque fois plus grand d’investisseurs potentiels.
Et plus leur nombre grandissait, plus l’enjeu devenait crucial pour des acteurs majeurs comme BlackRock, Fidelity, Grayscale et ARK Invest de Cathie Wood.
Alors que le Nasdaq engrangeait un spectaculaire 15% en novembre et en décembre, le Bitcoin a grimpé de 70% dans l’intervalle pour atteindre plus de 48 000 $.
Dès l’annonce de la légalisation des ETF Bitcoin, ce dernier a rechuté à moins de 43 000 $, puis 42 700 $ ce jeudi.
Les analystes de CryptoQuant supposent que le « fait accompli » a joué (c’est le classique « sell-the-news » bien connu des anglo-saxons).
Les détenteurs de Bitcoin auraient attendu cette approbation de la SEC pour prendre leurs gains en offrant une contrepartie à un supposé afflux de nouveaux amateurs frénétiques.
« Les détenteurs de bitcoins à court terme enregistrent des marges bénéficiaires élevées, de l’ordre de 30%, qui ont toujours précédé les corrections de prix. »
Pour Cathie Wood d’ARK Invest et Nic Carter de Castle Island, cela confirme que dans le cas de l’approbation des ETF Bitcoin, le marché avait largement anticipé et intégré dans le prix l’effet « coup de chapeau » supposé de l’accès à un statut d’actif négociable à part entière.
Mais la réalité est que ce coup de chapeau n’a même pas eu lieu. Les cours ne sont pas les seuls à être retombés comme un soufflé : l’activité sur les ETF qui était supposée exploser à tout simplement fait « pshitt ».
A tel point qu’un des émetteurs agréés sur le sol US (l’équivalent d’un opérateur bénéficiant du label « PSAN » en France) songe déjà à jeter l’éponge et à délister son ETF.
C’était prévisible. Qui irait danser dans un bar où ne se rendent que quelques habitués du quartier quand, deux rues plus loin, il vient de s’ouvrir une discothèque géante, accueillant un nombreux public qui a été convié par tous les médias mainstream et qui peut tester plein de salles proposant des thématiques musicales différentes, réparties sur plusieurs étages ?
La question est tout simplement : « comment exister » face à des titans de la finance comme BlackRock, Fidelity, Grayscale ou ARK Invest de Caty Wood ?
Nous verrons demain en quoi le Bitcoin et l’or se ressemblent, mais surtout en quoi ils diffèrent.