Les autorités en place luttent contre les cycles, qu’elles veulent empêcher à tout prix. Et désormais, elles ne se limitent plus à l’économie.
La connaissance consiste bien souvent à ramener l’inconnu au connu.
Hélas, quelquefois il y a du nouveau, et celui qui cherche à comprendre passe à côté.
Ici, je vois les observateurs me parler de cycle, de fin de cycle. Et j’ai l’impression qu’ils ne vivent pas dans le même monde que moi : en effet, ce que j’observe, c’est la volonté forcenée des responsables auto-proclamés de la conduite des affaires de s’opposer au retour des cycles, de s’arc-bouter contre la tendance naturelle aux cycles.
Ce que j’observe, objectivement, scientifiquement, c’est un combat – un affrontement entre d’un côté une tendance au cycle, et de l’autre un refus du cycle.
Je laisse de côté les raisons qui poussent à refuser le retour des cycles pour le moment… mais vous vous doutez bien que si on refuse le cycle, c’est parce qu’on le craint ; on a peur qu’il soit dévastateur.
Rien ne se passe comme jadis : ni le déroulement du soi-disant cycle ni les indicateurs qui le préfigurent.
Rien ne se comporte comme on a pu le connaître. Au fil du temps, on jette à la poubelle les repères, les certitudes qui guidaient l’action, la courbe de Phillips, la courbe des taux et son inversion, les prétentions de Friedman sur l’inflation qui serait un phénomène monétaire…
Il faut renoncer aux explications classiques
En cette supposée fin de cycle, les taux d’intérêt sont très bas, l’inflation est dérisoire, le plein emploi américain ne provoque aucune inflation salariale, la prospérité est exceptionnelle mais elle n’est pas diffusée, etc.
Il faut renoncer à l’explication classique – par l’éternel retour, par la répétition, par les réconciliations –, et admettre comme une possibilité la venue d’une situation d’un type sinon nouveau, en tout cas peu fréquent et peu connu.
Nous abandonnons l’hypothèse du cycle classique pour proposer celle d’un nouveau cycle que nous appelons « cycle de la régulation de la croissance par les bulles d’actifs ». Ce qui était dans le passé subi est maintenant fabriqué, géré, domestiqué.
Nous avons souvent titillé cette hypothèse (notamment ces derniers jours, quand nous avons expliqué que, dans le monde de John Law, rien ne se passait comme avant). Cependant, nous n’avions pas franchi le pas de reconnaître que la modernité était l’institutionnalisation de ce nouveau système – institutionnalisation inspirée par la volonté faustienne de dépasser, de faire mieux que Law. On a repris le travail là où il l’avait laissé.
La thèse de la régulation classique ne permet plus de comprendre et donc de prévoir l’évolution de la réalité économique. Elle était articulée autour du cycle du crédit, mais celui-ci a disparu, il a été relégué aux oubliettes de David Copperfield, escamoté.
Désormais, les apprentis-sorciers contrôlent tout
Le système ne fonctionne plus par la gestion des flux, il fonctionne par l’action directe sur les stocks. J’entends par là que l’on a trouvé le moyen de supprimer la tendance au cycle et aux déséquilibres des flux en agissant sur les stocks.
Les revenus, le pouvoir d’achat, les cash-flows… tout cela, ce sont des flux – et cela produit une dynamique économique qui se traduit par des stocks monétaires.
En prenant le contrôle de la monnaie, les apprentis-sorciers se sont donné les moyens d’agir directement sans passer par le détour des processus économiques connus en tant que spontanés. Ils augmentent l’épargne apparente, ils augmentent la valeur des patrimoines, ils repoussent les limites de la solvabilité, ils fixent la valeur du capital…
Tout ce qui résultait de processus spontanés, complexes, d’interactions multiples, indépendantes – tout cela est imposé du haut. Ils en sont à produire l’humeur économique, les sentiments, les émotions, les opinions.
Pour quelles conséquences ? C’est ce que nous verrons demain.