La Chronique Agora

Si Apple chute, où va-t-on ?

La semaine qui s’achève restera gravée dans les mémoires. Alors que le FMI révise à la baisse ses estimations de croissance en Europe — sans pour autant relever celles concernant les Etats-Unis et les émergents — Wall Street a vu fleurir un bouquet de records indiciels sans précédent (à moins de remonter à 1999/2000).

Cela aurait dû doper les places européennes qui stagnent depuis trois semaines. Le CAC 40 affichait un cumul de 0,3% en quatre séances jeudi soir, il n’est donc pas assuré de finir la semaine « dans le vert ».

Les résistances sont pourtant faites pour être débordées, sinon à quoi cela sert-il que 80% des gérants et des stratèges se déclarent full bull ?

Certains d’entre eux pensent que le trend haussier est tellement dopé aux injections des banques centrales qu’il pourrait laisser sur place Lance Armstrong (évoqué dans notre chronique d’hier) dans la montée de l’Alpe d’Huez.

▪ Le QE3 est l’EPO des marchés
Après avoir avalé 1 000 points de dénivelé depuis le 31 décembre (de 12 880 à 13 880 points au plus haut jeudi soir), le Dow Jones semblait bien parti pour rajouter une centaine de pompes sur les petits doigts, tant il paraissait déborder d’énergie — le QE3 produisant des effets comparables à celui de l’EPO.

Mais sans que l’on sache au juste pourquoi, l’euphorie est un peu retombée à Wall Street en fin d’après-midi. Cependant, cela n’a pas empêché les principaux indices américains — sauf le Nasdaq qui cède 0,75% à 3 130 — de battre une pluie de records annuels ou absolus.

Le Dow a pris 0,33%, soit sa septième hausse consécutive. Nous avons même assisté à une série gagnante pour le S&P 500 — une grande première depuis sept ans.

Souvent, nous adorons sortir notre loupe pour agrandir certains petits détails qui ont pu échapper aux observateurs distraits. Une fois n’est pas coutume, c’est justement le petit détail qui fait le buzz sur les forums boursiers.

▪ Le petit détail qui fait toute la différence
Le S&P a en effet battu un nouveau record annuel, moyennant un gain de +0,0001% à 1 494,82 contre 1 494,81 la veille.

Admirons la stupéfiante précision des robots qui ont su éviter une clôture dans le rouge par le plus petit écart concevable. Sans cette intervention, cela aurait gâché le plaisir de voir l’indice se hisser au-dessus des 1 500 pour la première fois depuis le 26 décembre 2007 et flirter à 3% près avec ses plus hauts absolus.

Il n’y avait en revanche pas photo sur Russell 2000 qui a gagné 0,4% à 901 points — après avoir testé 904 vers 17h30. Les opérateurs ont invoqué la hausse de 0,5% des indicateurs avancés du Conference Board et le recul de 5 000 du chômage hebdomadaire.

Mais il convient d’accorder une mention (très) spéciale au Dow Transport qui n’en finit plus d’exploser ses records historiques. Il affichait en clôture une envolée quasi surréaliste de 1,7% à 5 855 points.

Le parcours du Dow Transport, depuis la mi-novembre, présente toutes les caractéristiques d’une fuite en avant digne des montées en chandelle de mai 1999 et avril 2006, avec des composantes (sociétés de transport terrestre et de messagerie comme UPS notamment) dont les multiples de capitalisation s’envolent au-delà de toute référence connue.

Ils sont largement supérieurs à ceux de 2007/2008 pour plus de la moitié des titres, sachant que les compagnies aériennes — nombreuses dans le Dow Transport — affichent encore -33% à -50% par rapport à leurs sommets de l’époque.

Puisque ni les PER (qui ne veulent plus rien dire, sauf sous la torture), ni une chute historique de 12,4% d’Apple à 450 $ ne parviennent plus à stopper la hausse, qu’est-ce qui le pourrait ?

▪ S.O.S : même Apple chute !
Eh bien tout simplement le fait que 95% des opérateurs répondent sans hésiter : RIEN.

Une chute de 50 $ du titre Apple, cela représente la bagatelle de 50 milliards de dollars de valeur boursière partie en fumée en quelques heures.

Une chute donnant lieu à un record de 52 millions de titres échangés, soit 25 milliards de dollars de transactions — plus quelques milliards supplémentaires en hors séance mercredi soir), ou encore 16 milliards d’euros.

Si une telle somme ne vous dit rien, cela représente très exactement huit fois le chiffre d’affaires traité à Paris ce jeudi… et l’équivalent de deux fois ce qui s’est négocié sur le CAC 40 depuis lundi.

Pour exprimer le phénomène par une analogie bien de circonstance, si le Nasdaq était l’équivalent d’un iPhone en termes de volume boursier, alors Paris serait le film plastique qui protège l’écran lorsqu’on sort le smartphone de sa boîte.

Enlevez ce film, personne ne s’en aperçoit !

Qui prend conscience que les volumes sont si minces à la Bourse de Paris que n’importe quel hedge fund doté de quelques centaines de millions dollars de force de frappe peut soulever ou retourner à volonté cette mince pellicule en intraday… avec un seul ongle algorithmique.

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