La Chronique Agora

Apple chute de 38% en cinq mois

banques centrales

▪ Il fallait vendredi soir, et quoi qu’il arrive, faire clôturer Wall Street au plus haut — du jour… de la semaine… du mois… et même depuis cinq ans.

Les indices américains se traînaient à 0,3% en moyenne vers 21h55 — même niveau que vers 15h35 ou 17h35. C’était d’une part inférieur à la performance des places européennes et d’autre part, ce n’était pas suffisant pour battre les records annuels inscrits la veille.

Alors, à 21h59, quelques opérateurs influents et bien intentionnés ont appuyé sur le bouton et propulsé d’un bon coup de robot les principaux indices là où il était prévu qu’ils clôturent.

C’est cette ultime minute — qui donne lieu à une envolée supplémentaire de 0,2% — qui a fait toute la différence. Outre la pluie de records (symboliques), elle démontre qu’aucun hasard, qu’aucune auto-détermination ne sont tolérés.

▪ Une manipulation des marchés même pas discrète
La valeur des actions n’est plus fixée depuis des semaines par le libre jeu de l’offre et de la demande mais par des objectifs de prix fixés à l’avance afin de créer artificiellement les conditions d’une hausse auto-réplicative.

Cette manipulation — qui ne cherche même pas à se faire discrète — vise surtout à exclure toute émergence de signaux technique de retournement qui remettraient en cause la tendance en vigueur depuis le 19 novembre dernier.
Plus le temps passe, plus le risque de correction brutale s’accroît et plus il apparaît dangereux de laisser le marché céder au moindre doute concernant la soutenabilité de cette hausse.

C’est pourquoi tout a été fait pour que le Dow Jones aligne une sixième hausse consécutive et un dixième gain (pas trop étriqué) sur une série de 11.

C’est pourquoi le S&P (+0,55%) aligne une huitième séance de hausse consécutive (la plus longue série du XXIe siècle, la précédente remontait à 2004) et une onzième hausse sur douze, ce qui, compte tenu de l’actualité économique et des perspectives conjoncturelles très incertaines, est carrément surnaturel.

▪ Les résultats sont toujours « meilleurs que prévus », étrange, non ?
Le prétexte de résultats d’entreprises meilleurs que prévus (toujours la même grosse ficelle) peut faire sourire : de nombreuses entreprises pulvérisent leurs records historiques absolus avec des profits inférieurs à ceux constatés fin 2011 ou même au troisième trimestre 2012.

Il faut rappeler que les profits attendus communiqués à la presse sont systématiquement minorés par rapport aux vraies attentes des analystes. C’est ce qui explique ce taux constant de 65% ou 70% (cela dure depuis 1994, on l’oublie trop souvent) de résultats qui dépassent les objectifs.

Comment les professionnels des marchés peuvent-ils se tromper avec une telle régularité depuis quinze trimestres si ce n’est pas totalement intentionnel ?

Si les méthodes d’évaluation d’un cabinet d’analyse s’avèrent non pertinentes trois fois de suite, il y a fort à parier que les clients s’adresseront ailleurs. Si rien ne change et que les clients restent, c’est que l’erreur de valorisation fait elle-même partie de la stratégie, voire en constitue l’une composantes essentielles.

C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner des records absolus en série du Dow Jones Transportation (+0,25% à 5 870 points). La moitié de ses composantes affichent des multiples de capitalisation supérieurs à ceux de juillet 2007 et mai 2008.

Tous les verrous psychologiques ont sauté, nous expliquent les haussiers. Comme le marché ne rebaisse pas, les opérateurs sous-investis n’ont plus d’autre choix que de se porter mécaniquement à l’achat pour éviter de se faire trop largement distancer. Toujours la fameuse théorie du benchmark qui oblige les gérants à participer à la spirale des excès au lieu de s’en protéger.

Cela conforte le diagnostic du marché à choix unique, où même ceux qui jugent les actions surévaluées n’ont pas d’autre solution que de payer, peu importe leur multiple de capitalisation et leurs perspectives.

▪ Apple chute de 38% en cinq mois
Lorsque la tendance se retourne, c’est la glissade façon toboggan, avec une succession de ruptures dissuasives pour les acheteurs. Apple nous en fournit le meilleur exemple avec une chute linéaire de 38% en cinq mois (entre 705 $ et 435 $ au plus bas vendredi soir).

D’un point de vue technique, la cassure des 483 $ (moyenne mobile à 100 semaines et support ascendant oblique long terme) sous forme d’un énorme gap baissier le 24 janvier préfigure le comblement d’un autre gap majeur et symétrique remontant au 24 janvier 2012 (ouvert au-dessus des 425 $) consécutif à la publication de ses trimestriels sur la période d’octobre à décembre 2011.

Encore 10 $ de repli et Apple sera revenu en quelque sorte à la case départ. Rappelons-nous pourtant que lors de la culmination du 21 septembre dernier, l’analyse la plus pessimiste valorisait Apple à 740 $ sous trois à six mois (pour Barclay’s) et pour la mi-2013, les plus pondérées pariaient sur 850 $ (pour Bank of America) ou 960 $ (pour Morgan Stanley).

Mais tout cela, c’est « petit joueur » en comparaison des 1 001 $ — objectif évalué au millimètre près — de Topeka Capital Management ; c’est ridiculement prudent en regard des 1 650 $ pour fin 2013 avancés dès avril 2012 par le cabinet Ironfire auquel nous décernons le grand prix paille et miroir… avec un accessit au fournisseur local qui ne fait que dans l’ultra pur.

Il y a trois jours, et à pratiquement 33% de repli, 24 analystes étaient toujours à l’achat — les mêmes qu’à 700 $ –, 20 étaient à accumuler, neuf à conserver, un à alléger et deux à vendre (depuis trois mois).

Pour synthétiser, nous avions toujours (avec un Apple retombé sous 500 $) pas moins de 53 analystes haussiers ou favorables à la détention du titre sans rien changer… et trois qui ont émis ce qui s’avère être le bon conseil.

Nous nous retrouvons avec un ratio haussier voisin de 17 contre 1, guère éloigné du consensus global sur les marchés en cette fin janvier.

A 435 $, cela fait beaucoup de courriers de protestation à envoyer au fan club de la théorie du « haricot magique ». Pourtant, ça ne coûtait pas bien cher à l’automne dernier de demander des comptes à l’unique analyste qui était à « alléger » (celui de Jefferies) et dont on se demandait bien quelle affection mentale et quel aveuglement l’empêchaient de produire le même diagnostic que 95% de ses confrères.

Je vous rassure, je reçois également des e-mails vengeurs m’enjoignant de revoir mes méthodes de prévision, puisque je ne suis même pas capable de pronostiquer onze séances de hausse sur une série de douze sur fond de guerre des devises… de récession en Europe… de contraction de la masse salariale aux Etats-Unis — je n’évoquerai même pas les tensions sino-nipponnes ou le risque de budget cliff d’ici fin mars.

Il serait superflu que je m’attarde sur la spectaculaire hausse de la volatilité à la Bourse de Tokyo depuis huit jours. C’est pourquoi je vous laisse savourer les commentaires qui vous démontreront que le S&P 500 peut difficilement échapper à une neuvième séance de hausse consécutive.

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