La Chronique Agora

Le drame des tempêtes d’été

antifragile

Les analystes nous prévoient des orages boursiers estivaux. Ils se trompent probablement mais, au cas où ils auraient raison, votre patrimoine est-il « antifragile » ?

Dans Les Echos du jour, vous pouvez lire :

« La Bourse se prépare à un été des plus orageux – Les mauvaises nouvelles s’accumulent et les analystes appellent à la prudence. Les prévisionnistes parient sur un été orageux ».

Voilà qui serait plutôt réconfortant, cher lecteur. L’été devrait être calme.
Les prévisionnistes ont toujours tort, moi la première. Les analystes se trompent d’autant plus qu’ils sont unanimes.

En réalité, je n’ai aucune prétention de prévision : je reste fidèle à mon adage « se préparer au pire et espérer le meilleur ». Comme je ne suis pas « trop grosse pour faire faillite », personne ne viendra à mon secours si je me mets sur la paille. Donc une fois mon portefeuille boursier préparé au pire, je me livre à la paresse.

Se préparer au pire ne veut pas dire « spéculer à la baisse » ; cela signifie prendre au sérieux l’avertissement de William White, le chef économiste de l’OCDE, paru dans une tribune publiée le 18 février dernier dans le Financial Times : « Start preparing for the next global crisis now » (Préparez-vous maintenant à la prochaine crise mondiale). Son injonction s’adressait aux gouvernements des pays développés et concernait les accords et textes permettant de faire défaut sur les dettes qu’ils ne pourraient pas rembourser.

Se préparer consiste à se créer un patrimoine robuste et si possible « antifragile ».

Tout le monde sait ce que veut dire « robuste » mais parfois, le robuste craque face à des situations extrêmes. Vous vous souvenez certainement de la fable du chêne et du roseau.

« Robuste » n’est pas suffisant, même si c’est déjà un objectif remarquable, puisque le chêne a mal fini. Antifragile est une autre qualité intéressante qui devrait vous permettre de mettre votre indépendance financière à l’abri même en cas d’événement extraordinaire.

Ce concept d’antifragile a fait l’objet d’un livre de Nassim Nicholas Taleb, livre paru en 2013 en français aux éditions Les Belles Lettres.

Ce qui est fragile meurt sous les épreuves.

Ce qui est robuste résiste aux épreuves mais peut mourir dans les cas extrêmes.

Dans le cas de la fable du chêne et du roseau, le roseau fragile résiste à la tempête mais n’en sort pas amélioré ou grandi. Les épreuves détruisent ce qui est fragile et, dans certains cas extrêmes, elles endommagent ou brisent ce qui est robuste.

Se constituer un patrimoine antifragile est donc ambitieux. Je ne prétends pas y arriver avec une formule magique valable pour tous à tout instant et partout. Ma seule prétention consiste à vous donner matière à réflexion selon votre situation personnelle.

« Le fragile réclame la paix,

l’antifragile aime le désordre

pour le robuste tout est à peu près égal ».

Nassim Nicholas Taleb

Robuste doit rester votre premier objectif patrimonial

Avoir un patrimoine robuste est déjà une prouesse. L’idée de robuste étant bien connue, les recettes pour arriver à faire robuste le sont aussi, d’une façon générale.

Il est très rare que tout chute simultanément en même temps et partout dans le monde.

De tous temps, la diversification par classe patrimoniale a donc été la première clé de la résistance.

Une deuxième diversification géographique était autrefois la règle, mais cet aspect a pris moins d’importance avec l’interconnexion des marchés et la circulation des capitaux. Comme on l’a vu en 2008, les crises financières sont mondiales et la baisse de l’immobilier aux Etats-Unis se répercute au monde entier.

Pour rappel, les différentes classes patrimoniales sont :

Je n’inclus pas l’art. Il n’y a aujourd’hui qu’une seule véritable classe d’actif dans ce domaine : la « qualité musée », accessible aux très gros patrimoines. Le reste est illusoire. L’art n’est pas une valeur patrimoniale robuste et encore moins antifragile.

Un monde fragile à cause de la dette

Tout ce qui nous entoure est fragile car la dette crée la dépendance et introduit un risque de contrepartie.

Sur les marchés actions, la hausse actuelle a été achetée grâce à un endettement vertigineux, la « dette sur marge ». Les investisseurs professionnels achètent à crédit leurs actions. Comme le crédit n’est toujours pas cher, ils ne sont pas exigeants sur ce qu’ils achètent. De toute façon, tout est mieux que des obligations à rendement quasi-nul.

Idem pour l’immobilier. Que deviendrait ce marché si le crédit coutait 5% par an ?

Pareil pour les obligations d’Etat réputées si sûres. Plus personne n’évoque même l’idée de rembourser le principal. Notre pays emprunte à nouveau pour honorer une obligation parvenue à échéance.

Lors de la première « crise de la dette en euro », il y a six ans, nous avons estimé que notre vieux contrat d’assurance-vie en euro, fiscalement très avantageux, devenait fragile. Les contrats en euro ne sont adossés qu’à de la dette de l’Etat français, lequel est désastreusement géré depuis 44 ans. Nous avons alors diversifié une partie de ce contrat en actif forestier. C’est une façon de porter et transmettre du capital qui n’est pas très coûteuse.

Dangereuse tempête d’été

Figurez-vous que la mondialisation a touché la forêt aussi. Les Chinois veulent du « parquet Versailles » et le chêne certifié d’origine France se vend très bien.

Cette année, nous avions une grosse coupe : des arbres qui allaient atteindre la taille limite de scierie et dépassaient trop les feuillus environnants. Le bois a été vendu sur pied à l’automne mais en raison de la météo, les travaux d’exploitation ont pris beaucoup de retard. Le chantier n’est pas encore terminé. Mais ce n’est pas grave : l’urgent dans le domaine forestier est à deux ou trois ans… et les investissements à horizon de 40 ans et plus.

Nous avons eu il y a 10 jours un coup de vent d’été. Deux chênes sont tombés sur une ligne haute-tension qui traverse une parcelle. Les villages environnants furent coupés d’électricité pendant une bonne journée. Nous avons assisté à un ballet entre EDF, ERDF, et divers prestataires pour réparer dans un endroit inaccessible aux engins mécanisés spécialisés. Etant en bout de ligne, nous fûmes les derniers à voir revenir l’électricité. Mais dans son immense sollicitude, l’EDF nous avait prêté un petit groupe électrogène qui nous permettait au moins de pomper notre eau.

Les tempêtes d’été peuvent être bien plus nuisibles que les tempêtes d’hiver. Les arbres chargés de feuilles donnent plus de prise au vent.

Les feuilles, c’est comme l’endettement, ça se supporte très bien quand tout va bien. C’est agréable quand le soleil brille. Puis le vent se lève…

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