La Chronique Agora

Les ambitions de Paris sur le marché de l’or

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L’or n’est plus un marché pour les particuliers, mais reste un gros marché pour les professionnels. C’est ce marché que Paris souhaite reprendre à Londres.

Si les particuliers ont été déshabitués de l’or aux Etats-Unis et en Europe depuis 80 ans, ce n’est pas le cas du secteur officiel. Les banquiers centraux ont toujours de l’or dans leurs coffres et lorsque les emprunteurs manquent de garantie, les prêteurs ne dédaignent pas l’or. La London Bullion Market Association (LBMA pour les intimes) brasse 25 Mds$ quotidiennement de transactions autour de l’or. C’est un marché de gré à gré, opaque.

Comment les citoyens ordinaires ont été coupés de l’or

En 1933, un décret de Roosevelt a coupé le peuple américain de l’or. L’Ordre exécutif 6102, de Franklin Roosevelt, interdit aux citoyens de détenir de l’or, excepté en toutes petites quantités.

De nombreux contrats commerciaux prévoyaient des « clause or » qui protégeaient les prêteurs de l’inflation monétaire en indiquant qu’un remboursement en or pouvait toujours être substitué à un remboursement en monnaie.

Plus d’or, plus de « clause or »  et l’inflation pouvait donc faire son œuvre : dépouiller les prêteurs au profit des emprunteurs. Les juges de la Cour suprême ont laissé faire.

A l’issue de la Seconde guerre mondiale, le dollar devient la seule monnaie convertible en or, mais seulement pour les banquiers centraux des pays étrangers. Impensable que M. et Mme Michu se présentent au guichet de la Federal Reserve pour demander l’échange d’une liasse de dollars contre de l’or. Ils n’ont qu’à subir l’impôt inflation.

Enfin, en 1971, Nixon ferme définitivement le guichet de l’or, qui menaçait d’être pris d’assaut par tous les banquiers centraux des pays étrangers stockant des dollars dont le pouvoir d’achat fondait comme neige au soleil du fait des chocs pétroliers.

Les dettes souveraines se sont imposées comme réserves de change et présentaient l’avantage de rapporter un intérêt. Pas l’or…

Du coup, un négoce d’entreposage, de location, de swap d’or s’est développé à Londres. Certaines réserves officielles sont « louées » pour une durée déterminée selon les besoins de différents acteurs : grossistes, négociants, emprunteurs devant présenter une garantie, etc.

La « banque centrale du marché de l’or » à Paris ?

Déjà en mai dernier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau avait annoncé que son établissement voulait devenir la banque centrale de l’or, le teneur de compte des transactions de ce marché, car le Brexit offrait une opportunité historique.

Notre pays possède un des plus gros stocks d’or officiel (2 435 tonnes). La Banque de France a récemment équipé ses coffres pour pouvoir y effectuer des mouvements importants avec chariots élévateurs. Elle a aussi mis son stock en conformité avec les exigences du marché international (pureté, marquage des lingots et barres).

Le 12 novembre, le numéro 2 de la Banque de France Sylvie Goulard annonçait qu’un partenariat était conclu avec JPMorgan pour offrir les mêmes services que Londres : stockage, swap, lease, négoce, contrats à terme…

La LBMA est dans le collimateur de certains spécialistes du marché de l’or qui accusent régulièrement les opérations menées par le secteur officiel d’avoir pour but de contenir la hausse de l’or.

Le fixing, procédure qui attribue un prix quotidien à l’once d’or en fonction des mouvements enregistrés par les participants (grosses banques privées) au LBMA a été modifié en 2015 suite à une enquête de l’autorité britannique des marchés financiers.

HSBC, Bank of Nova Scotia, Barclays, Credit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Société Générale, Standard Bank et UBS font épisodiquement l’objet d’enquêtes sur leurs pratiques autour de l’or.

Et l’or du peuple dans tout ça ?

Les ambitions affichées par la finance parisienne oublient une chose. Si la France l’a finalement emporté pour héberger l’European Banking Authority – l’instance de régulation bancaire – Francfort est le siège de la Banque centrale européenne. Barclays, Lloyds Banking Group, Citigroup, Morgan Stanley, Credit Suisse, UBS, Nomura and Standard Chartered Bank ont déjà déménagé leurs équipes à Francfort.

D’ailleurs, pour nous, citoyens ordinaires, il vaudrait mieux que notre or national ne soit pas engagé dans de fumeuses opérations internationales de swap. Car avec le délabrement de nos finances publiques, l’or sera peut-être le seul « actif » concret et liquide qui restera à notre pays surendetté.

Finalement, s’il existe encore un marché international de l’or c’est bien parce que les belles promesses de payer – même à l’échelle des gouvernements ou des très grosses entités internationales – ne suffisent pas toujours. L’or reste un actif financier.

Lorsqu’il faudra admettre que les dettes ne pourront pas être payées car elles excèdent les capacités financières des contribuables, que restera-t-il ? L’or. C’est à ce moment que son prix s’enflammera.


 Quant à nous, citoyens ordinaires, notre épargne sera dissoute dans ce processus de faillite collective. Regardez ce qui se passe en ce moment en Italie : le gouvernement veut forcer les citoyens à acheter la dette italienne si les marchés n’en veulent plus. Des épargnants sont donc contraints d’acquérir de la dette qui ne sera jamais remboursée.

Comme le dit très justement Damien Theillier :

« Depuis que l’or et l’argent ne sont plus des monnaies et que leur détention par quiconque est devenue prohibitive, la monnaie est devenue la propriété de ses dirigeants.

 Vous ne pouvez pas vraiment posséder un bien comme la monnaie si quelqu’un d’autre peut en diluer la valeur par l’inflation c’est-à-dire par la création monétaire. »

Vous pouvez quand même détenir de l’or en épargne de précaution. Car malgré toutes les réglementations et taxations dissuasives, il existe une forme d’or accessible au particulier, facilement négociable et bénéficiant d’une fiscalité douce. Il s’agit de certaines pièces ayant « cours légal », et qui sont encore considérées par les autorités comme une monnaie, une devise.

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