La Chronique Agora

Ambac embarque pour une nouvelle débâcle !

** Après deux séances de consolidation sans grande intensité, 2% reperdus lundi et mardi derniers et une demi-journée de baisse supplémentaire hier (-0,6% au pire), les gérants de portefeuilles ont estimé que les indices boursiers avaient suffisamment consolidé les 3% de hausse de la semaine passée — Paris s’était alors distinguée avec une hausse de 3,4%.

Les acheteurs restaient manifestement à l’affût de la moindre bonne nouvelle et il a suffi d’un rebond symbolique des stocks hebdomadaires de pétrole aux Etats-Unis pour qu’ils orchestrent un spectaculaire retournement des marchés à la hausse. Le CAC 40 est donc repassé de 4 850 points à 4 951 points en l’espace de deux heures d’horloge — et dans de beaux volumes, puisqu’il s’est traité 5,65 milliards d’euros ce mercredi contre 4,8 milliards d’euros mardi.

Le prétexte peut apparaître un peu mince et la réaction sans doute excessive mais tout ceci met en lumière l’existence d’une pression haussière sous-jacente qui n’attend que le moment propice pour s’exprimer pleinement. Peut-elle suffire pour propulser le CAC 40 au-dessus des 5 000? Nous l’ignorons. Mais ceux qui ont ramassé du papier entre 4 900 et 4 960 points espèrent probablement beaucoup mieux qu’un gain de 1% supplémentaire d’ici la prochaine réunion de la Fed — qui rendra son verdict dans une semaine.

Nous admirons également avec quelle légèreté les investisseurs ont fait l’impasse sur l’annonce d’une chute de 1,7% de la consommation en France au mois de mars — après une hausse de 1,3% en février, effet soldes oblige. Le secteur du textile enregistre un plongeon de 7,9%, le compartiment automobile un recul de 1,5% et les biens d’équipement de la maison ont également fléchi de 1%.

La conjoncture n’apparaît pas plus florissante en Europe. D’après l’enquête publiée ce mercredi par RBS-NTC, l’indice de PMI de l’industrie est tombé à son plus bas niveau depuis août 2005 à 48,6 contre 50,9 en mars dernier. La composante qui reflète les entrées de commandes manufacturières — autrement dit les exportations — tombe à 49,8 contre 51,1, son niveau le plus faible depuis mai 2005. Ceci invalide un peu plus encore la thèse du découplage entre l’Europe et l’Asie : le ralentissement économique mondial affecte doublement l’économie des Quinze, pénalisée par un euro beaucoup trop fort.

Dans ces conditions, le rebond du CAC 40 — +2% en valeur absolue entre 15h et 17h30 — nous laisse quelque peu perplexe, d’autant que les « bons chiffres » publiés par les services du département américain de l’Energie (DoE) ne sont pas si favorables que certains se plaisent à le penser. Si les réserves de brut ont augmenté de 2,42 millions de barils la semaine dernière — on redoutait un recul symétrique –, les stocks d’essence ont continué de décliner (-3,18 millions de barils).

** Les spécialistes de l’or noir sont loin de valider les anticipations de correction majeure du baril qui motivent les partisans d’une rotation sectorielle au profit des actions. Le baril ne s’est replié que très symboliquement vers 117,5 $ — contre 119 $ au plus haut mardi — avant de revenir au contact des 118 $ en début de soirée, tempérant largement l’optimisme initial de Wall Street qui avait fait merveille entre 16h30 et 17h35 en Europe.

A la mi-séance, le Dow Jones et le S&P 500 étaient revenus à l’équilibre et les investisseurs américains à leurs préoccupations de la préouverture. Le compartiment des financières a subi une brûlante piqûre de rappel avec les pertes trimestrielles sept fois plus lourdes que prévues d’Ambac Financial. Ce rehausseur de crédit, en difficulté depuis l’été dernier, a dévissé de 40% pour ce motif, établissant un nouveau plancher historique à 3,5 $, contre 6,1 $ mardi dernier et 90 $ le 23 avril 2007.

** Ambac a dévoilé une perte nette de 1,66 milliard de dollars qui serait imputable en intégralité à une dépréciation d’actifs exposés aux dérivés de crédits, à hauteur de 1,72 milliard de dollars, ainsi qu’à une provision pour perte sur les actifs adossés aux créances hypothécaires pour 1,04 milliard de dollars.

Nous avons beau constater qu’il n’y a rien de plus aisé que de lever six ou sept milliards de dollars d’un claquement de doigts — comme State Street ou Citigroup –, voire 15 milliards de dollars dans le cas d’UBS et 24 milliards de dollars s’agissant de Royal Bank of Scotland mardi, nous supposons que les généreux donateurs ont pris quelques solides garanties avant de placer leur mise. La presse s’étend assez peu sur les conditions imposées aux banques qui doivent procéder à ce type d’augmentation massive de capital… nous sommes preneurs du moindre tuyau à ce sujet.

Les actionnaires initiaux et les salariés de ces établissements n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. En outre, rien ne garantit qu’ils ne devront pas remettre prochainement la main à la poche lorsque les pertes liées aux CDS (credit default swaps) commenceront à se multiplier avec les défaillances conjuguées d’emprunteurs particuliers dans l’immobilier puis d’entreprises mises à mal par la récession.

Nous n’avons qu’une vague idée de la virulence des nouveaux périls qui se profilent à l’horizon, mais nous supposons qu’ils n’auront rien à envier à ceux auxquels, selon les faiseurs d’opinion qui tentent de nous convaincre, les banques ont réchappé.

Nous avons le sentiment que les marchés se comportent comme un lapin qui a pris quelques plombs dans le flanc : l’impact lui a fait faire un roulé-boulé à la mi-janvier mais son instinct de survie est plus fort que la douleur, et il reprend sa fuite en avant.

Malheureusement, avec des muscles tuméfiés et une patte cassée, sa course est moins efficace et le chasseur a désormais tout le loisir de l’ajuster ; il peut désormais prendre tout son temps avant de déclencher le tir fatal.

Voilà le genre de répit haussier dont nous bénéficions en bourse depuis la mi-mars. Nous vous conseillons de surveiller de près la crispation du doigt sur la gâchette. Pour l’instant, le chasseur se concentre sur sa visée et cale méticuleusement la crosse sur son épaule ; il n’attend plus que le prochain communiqué de la Fed pour faire feu !

Philippe Béchade,
Paris

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