** La séance de mercredi fut placée sous le signe d’un prudent attentisme en Europe et de ventes agressives visant toutes valeurs appartenant au secteur « énergie » (raffinage, distribution, parapétrolières) ainsi que celles du secteur automobile figurant au sein du SBF 120.
Paris s’est imposé comme l’incontestable lanterne rouge parmi les places européennes : le CAC 40 rechute de 1,35% alors que la moyenne des replis chez nos voisins avoisinait -0,5%. Cependant, en retranchant les valeurs françaises rentrant dans le calcul de l’Euro Stoxx 50, la perte n’aurait pas dépassé pas les 0,2%.
Comme pour accréditer le scénario d’un arbitrage indiciel, ce sont clairement les poids lourds de la cote qui plombaient la tendance : Total et EDF chutaient de 2,3% et Sanofi-Aventis de 3,3% — dans le sillage de Merck qui plongeait de 4%.
Suez et Gaz de France lâchaient 2,3% alors que leurs homologues RWE et E.ON s’effritaient de 0,3% et 0,1% en Allemagne.
Total reculait deux fois plus vite qu’Enel (-0,9% à Milan) et Royal Dutch (-1% à Amsterdam.) alors qu’Iberdrola flambait de +3,6% à Madrid — sur des rumeurs, démenties par le gouvernement espagnol, d’un projet d’OPA lancée par EDF.
Et les champions français du secteur des utilities ne se sont guère distingués par la vigueur de leur reprise depuis les planchers des 21 et 22 janvier dernier.
L’hypothèse d’un rééquilibrage entre le CAC 40 et les principaux indices paneuropéens — sur les cinq ou six dernières séances écoulées– ne tient donc pas la route. En effet, Paris, avec +6,3% en une semaine, sous-performait déjà Francfort (+7,1%) et l’Eurofirst 80 (+6,5%). Le handicap négatif des valeurs françaises s’est donc accru au lieu de se réduire.
L’Euro Stoxx 50 affichait même un solde légèrement positif à une demi-heure de la clôture, preuve que les investisseurs étaient plutôt enclins à miser sur une baisse de 50 points du principal taux directeur de la Fed à 3% — soit un loyer de l’argent inférieur au taux d’inflation actuel de 3,2%.
** Un choix logique au vu des mauvaises statistiques publiées mercredi après-midi : le PIB américain chute de 5% au troisième trimestre environ à seulement 0,6% au quatrième. Les dépenses des ménages — qui ont augmenté de 0,2% seulement d’octobre à fin décembre — ne progressent que de 2,2% en rythme annuel — le plus faible score depuis l’automne 2002. Les dépenses de construction s’effondrent de 24% et les commandes de logements neufs d’un tiers.
Ben Bernanke aurait pu se contenter de 25 points de base au motif que les commandes de biens durables ont bondi de 5,2% en décembre ou que le marché du travail demeure robuste — 110 000 créations d’emplois selon ADP — mais les opérateurs jugeraient ce geste trop timide pour soutenir la croissance.
Il pourrait même ne rien faire s’il considère le trou d’air causé par la chute des marchés. Cette chute — imputée en grande partie aux ventes massives de la Société Générale lundi et mardi dernier– a faussé sa lecture des motifs d’une forte baisse potentielle des indices US. La réalité conjoncturelle américaine n’a servi que de toile de fond tandis que les liquidations massives de positions « à tout prix » créaient les véritables conditions techniques d’un minikrach boursier susceptible d’entraîner Wall Street vers un gouffre de type octobre 87.
** Plus fondamentalement, les marchés restent à la merci des retombées de l’éclatement de la bulle du crédit. Mais comme nous l’expliquions hier, un nouveau front — qui menace sérieusement l’équilibre financier de l’ensemble des acteurs de ce secteur — vient de s’ouvrir : il est de nature judiciaire.
La manière dont les évènements se sont enchaînés pour aboutir à la crise des subprime intéresse à présent le FBI. D’après le Wall Street Journal, plusieurs enquêtes fédérales pour soupçons de fraude comptable, abus de confiance et délit d’initiés auraient été diligentées auprès de 14 établissements financiers.
Le FBI chercherait à démontrer que les banques émettrices de dérivés de crédit auraient sciemment constitué des packages de prêts douteux et de créances saines, avec ou sans la complicité objective des rehausseurs de crédit. Ces derniers ont-ils fermé les yeux pour faire du chiffre ? Ou sont-ils de simples victimes de la duplicité des banques d’affaires et de la complaisance des agences de notations ?
Le FBI concentre ses investigations en Californie, au Texas, en Floride et en Arizona. Dans ces quatre états, la spéculation immobilière s’était déchaînée de 2004 à 2006 grâce à la mise au point de formules de prêts à géométrie variable et l’émergence d’une catégorie de clientèle désargentée à laquelle l’accès au crédit était jusqu’alors refusé. La naïveté, l’avidité et l’absence de réaction des autorités de tutelle ont fait le reste.
Nous sommes tenté de penser, à ce stade de notre réflexion, qu’une politique monétaire délirante et irresponsable pratiquée par Alan « Bulle » Greenspan ne constitue qu’un facteur aggravant, les taux subprime demeurant parallèlement prohibitifs !
Tout est donc parti de là. Et ceci constitue la toile de fond de l’entretien que nous avons accordé à Christian Rappaz ce mercredi dans le magazine suisse L’Illustré — un peu l’équivalent de notre Paris-Match. Le texte de cet article — avec quelques coupes — vous est proposé ci-dessous, juste après les notes de Bill.
Philippe Béchade
Paris