La Chronique Agora

L’Allemagne pourrait-elle quitter la Zone euro ?

Je lisais récemment dans le Journal allemand Die Welt un article qui a retenu mon attention, rédigé par Erwin Grandinger (analyste financier et politique). Die Welt est un grand quotidien allemand qui a pignon sur rue, que je qualifierais de libéral-conservateur.

Si je vous relate rapidement le contenu de cet article aujourd’hui, c’est d’abord parce que le fond est intéressant — mais surtout parce que la pensée véhiculée par l’auteur, jusque-là absente de la presse grand public allemande, commence à apparaître de plus en plus régulièrement. Et pas uniquement dans des "feuilles de choux" locales

Une pensée qui suscite également des questions en France… tout du moins l’évoque-t-on sans trop y croire :

▪ Et si l’Allemagne claquait la porte de la Zone euro ?
De là à dire que l’idée fait beaucoup d’émules outre-Rhin, il y a un pas que je ne franchirai pas. L’élection allemande du 22 septembre tranchera la question. La seule chose que je puisse vous dire, c’est que sur le terrain (bavarois, donc fortement biaisé, je tiens à le préciser), ces idées font souvent mouche.

Entrons dans le vif du sujet. L’auteur s’interroge sur les erreurs que nous avons commises il y a 20 ans et que nous semblons aujourd’hui répéter. Mèneront-elles au même résultat — à savoir l’implosion du système monétaire européen ?

Vous souvenez-vous du Système monétaire européen (SME) mis en place en 1979 et dont le voeu pieux était d’assurer la stabilité des monnaie au coeur de l’Europe ? Les monnaies, encadrées, devaient fluctuer dans des marges étroites (+/-2,25%) autour d’un cours pivot de référence : le fameux ECU.

En septembre 1992, première alerte violente quant à la pérennité du SME. A cette époque, taux de croissance, compétitivité des économies et taux d’intérêt des pays membres commençaient déjà à diverger dangereusement… au point de risquer de faire volet tout l’édifice en éclats. Cela vous rappelle quelque chose ?

Les tensions au coeur du SME devenaient intenables… Là-dessus sont venus se greffer les spéculateurs internationaux (déjà), Soros en tête.

L’Allemagne, qui affichait alors un taux d’intérêt élevé car elle devait attirer les investisseurs pour financer sa coûteuse réunification (2 000 à 2 500 milliards d’euros selon les estimations), voyait son deutsche mark tiré à la hausse. Ce qui tirait tout l’ECU à la hausse contre le dollar. Si l’Allemagne s’en accommodait volontiers (car en forte croissance et compétitive), Français, Italiens, Espagnols et Britanniques étaient en plein marasme.

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Les divergences étaient telles que le SME finit par éclater en deux temps :

– Ce sont d’abord les spéculations de Soros contre la livre sterling qui firent déborder la coupe : la monnaie britannique dut quitter en catastrophe le SME, une nuit de septembre 1992, pour "sauver sa peau". Ce fut un profond traumatisme pour les Britanniques qui qualifièrent ce jour de mercredi noir.

La Banque de France quant à elle, épuisa littéralement toutes ses réserves de changes pour soutenir le franc, en vain. Les bandes de fluctuations des monnaies atteignaient 15%…

– Mais le coup de grâce vint contre toute attente… de la Bundesbank. En juillet 1993, elle refusa de baisser ses taux pour soulager ses voisins car cela aurait fait fuir les capitaux nécessaires à la bonne conduite de la réunification. Or les intervenants des marchés avaient tous déjà anticipé et intégré une baisse des taux. Aucun n’avait envisagé que la Buba puisse aller contre le marché… seule.

Après ces deux évènements, las et impuissants, les Etats-membres capitulèrent face aux réalités économiques qui finirent par prendre le dessus. Le SME était mort et enterré.

▪ L’histoire se répète-t-elle aujourd’hui ?
C’est une question qu’on peut se poser. Les divergences de croissance économique, de compétitivité et de taux d’intérêt sont au coeur des tensions qui font vaciller l’euro… tout comme elles l’étaient avant que n’implose feu le SME.

Seule différence : les monnaies ayant disparu, ce ne sont plus les marchés des changes qui sont le théâtre des tensions et convulsions qui secouent l’euro, mais le marché de la dette souveraine et des taux d’intérêt.

Jusque-là, je suis en phase avec l’auteur, tant sur le constat que le questionnement. Mais ce sont surtout les commentaires qui suivent, à savoir son point de vue, qui m’ont fait réagir :

Aujourd’hui, comme il y a 20 ans, les politiques refusent de voir la réalité en face, préférant tenter des manoeuvres tactiques pour sauver l’euro à tout prix (MES, OMT…).

Une fois de plus, ils achètent du temps pour repousser l’inévitable…

Une fois encore, tout l’édifice repose sur la capacité de l’Allemagne à générer de la croissance économique, sur la solvabilité fiscale de l’Allemagne, et sur la disposition politique des Allemands à payer.

Les élections allemandes qui se déroulent le 22 septembre et pour lesquelles les sondages donnent Merkel gagnante marqueront-elles un tournant dans l’histoire monétaire et obligataire allemande ? s’interroge l’auteur.

Comme en 1993, les intervenants des marchés sont persuadés que Merkel sera réélue et que les plans de sauvetage de l’euro continueront à se mettre progressivement en place comme prévu. Rien ne changera.

▪ Peut-être… ou peut-être pas…
Les sondages sont un art difficile, constate l’auteur ; ils peuvent parfois cacher des surprises, prévient l’auteur. Et de conclure :

La sortie de la livre sterling du SME, sur le coup perçue comme un drame national, fut finalement un succès puisqu’un an après l’économie anglaise tournait à nouveau à 5% de croissance. Au point que la presse anglaise rebaptisa ce mercredi noir en "mercredi blanc". La dépréciation de la livre et le réajustement des taux sauva la couronne !

Et si l’histoire se répétait ? s’interroge à nouveau l’auteur.
[NDLR : Si l’histoire se répète… préparez-vous à des vagues en Zone euro. Et pour cela, appliquez la stratégie en trois étapes recommandée par Simone Wapler : pour retrouver tous les détails, cliquez ici…]

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