La Chronique Agora

Les algorithmes porteront le coup de grâce au marché

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La réduction de la volatilité est à porter au crédit de l’usage grandissant des algorithmes de trading. Mais la faiblesse du VIX est un cadeau empoisonné.

A Paris, le temps vire un peu au gris mais du côté du CAC 40, le marché a repris des couleurs depuis septembre. L’indice a récupéré son retracement de mai à août 2017, en grimpant de presque 7% en 40 jours. Il est juste en-dessous de ses niveaux de mai, lorsque le marché a commencé à se dégonfler.

Le CAC 40 reste cependant un peu à la traîne de Wall Street, où l’indice S&P 500 a grimpé de près de 5% depuis fin août… et arrive à +13,9% pour l’année.

MarketWatch fait état d’une hausse de l’optimisme des investisseurs avec un graphique de Bank of America à l’appui.

Voyez comme le sentiment des investisseurs est devenu baissier en 2007… puis à nouveau en 2012.

Selon l’indicateur de BoA, les marchés ne connaissent pas l’euphorie des années 2006 ou 1999 mais ont tout de même repris des couleurs. Le CAC 40 reflète sans doute le retour des espoirs.

Par ailleurs, l’indice VIX de la volatilité indique de moins en moins d’inquiétudes quant à une éventuelle correction de grande amplitude. Cet indice mesure les prix des options – des contrats pour réduire la volatilité de ses actifs – sur le marché. Aujourd’hui, le VIX arrive à juste 10 points. Il n’a jamais été plus bas.

Depuis 2015, le VIX a commencé à baisser de mois en mois, franchissant les planchers d’antan pour arriver à moins de 10 points aujourd’hui.

Le VIX ne dit pas si le marché va monter ou non mais indique si les changements vont se faire brutalement ou pas à pas. Le niveau du VIX d’aujourd’hui nous signale donc un marché sans amples variations à un horizon de temps de l’heure ou moins.

La baisse du VIX est un symptôme de l’importance du trading automatique

Les algorithmes de trading ont pris de plus en plus d’importance sur le marché. D’après Bloomberg, les fonds gérés par ces programmes informatiques ont atteint les 500 Mds$ en juin 2017.

Les algorithmes dominent en particulier le secteur du trading haute fréquence (HFT ou High Frequency Trading), le domaine des transactions à durée de microsecondes.

Comme l’explique le fondateur d’une entreprise de trading automatique, dans un entretien avec Inverse, les algorithmes passent leur temps à chercher des « motifs » sur le marché… En particulier, juste après une vente massive d’un titre, par exemple, le prix de l’action se replie et revient souvent rapidement sur son niveau, parce que l’effet d’une grosse vente dure peu de temps.

Beaucoup d’algorithmes essayent de profiter de ce genre de micro-motif dans les marchés… réduisant ainsi l’influence des achats et ventes des investisseurs, du moins à l’échelle de secondes ou d’heures. Du coup, le marché a tendance à partir moins vite à la hausse ou à la baisse puisque les algorithmes servent d’amortisseur, expliquant en partie l’effondrement du VIX sur 10 ans…

Après les « flash-crash » sur les marchés américains en 2010 et sur la livre sterling en 2016, les instances de régulation ont imposé aux traders d’avoir un moyen de stopper les algorithmes.

Cependant, certains experts ne croient pas à 100% à ces bridages. Selon eux, les algorithmes pourraient anticiper l’arrivée d’un seuil de débrayage et amplifier les ventes avant l’arrivée du seuil.

Peut-être que le lissage introduit par les algorithmes aide aussi à réduire les craintes des investisseurs. Oui, le marché peut reculer, comme le CAC 40 entre mai et août 2017, mais sans chute brutale….

Repérer des tendances ne permet pas de prévoir l’avenir…

Les algorithmes ne savent pas si la France a de quoi payer ses dettes ou si Apple peut continuer à vendre des iPhones d’année en année sans enfin souffrir de la concurrence. Ils ne peuvent pas non plus savoir si le dernier film de Tom Cruise va réussir ou non à l’affiche. Ils ne font que suivre et interpréter les chiffres.

Bref, ils étudient seulement le comportement des marchés. En fin de compte, les individus continuent de tirer les ficelles. A long terme, les algorithmes amplifient leurs actions – y compris leurs erreurs.
[NDLR : le trading haute fréquence ne concerne cependant que les très grosses valeurs. Découvrez ici l’efficace secret des anciens agents de change du palais Brongniart pour se constituer des retraites confortables.]

En cas « d’erreur » de taille sur le marché, les algorithmes pourraient amplifier l’étendue du désastre en donnant par exemple une trompeuse impression de stabilité juste avant la crise.

Aujourd’hui, les marchés grimpent de semaine en semaine mais la hausse dépend des profits et de la croissance de groupes comme Apple, Alphabet (la maison-mère de Google), et autres. Ils dépendent du jugement du marché sur l’utilité et la valeur des services et produits pour les individus.

Comme dit le proverbe, « les arbres ne grimpent pas jusqu’au ciel… » Tous finissent par périr un jour ou l’autre mais les algorithmes ne le verront pas arriver.

The Wall Street Journal a déjà averti de la possibilité de ce scénario en mai 2017 :

« En 2007, l’événement nommé ‘implosion des quantas’ a frappé les marché car nombre d’algorithmes suivaient des stratégies ayant beaucoup de similitudes. Du coup, les algorithmes ont tous essayé de vendre en peu de temps, poussant les prix encore plus à la baisse et entraînant encore plus de ventes.

Le mathématicien William Byers, auteur du livre ‘How Mathematicians Think‘ (ou ‘Comment Pensent les Mathématiciens’) paru en 2010, alerte sur cette faculté des algorithmes de donner une sensation de sécurité aux investisseurs, au-delà du mérite de leurs prédictions. Plus les investisseurs mettent de l’argent entre les mains d’algorithmes aux modèles complexes, plus la probabilité augmente de voir ces algorithmes suivre des stratégies similaires. Selon certains analystes, le trading automatique peut donc à terme accroître les perturbations de marché.« 

Sur le blog Wolf Street, Wolf Richter approfondit ce point :

« Tout d’un coup, quelque chose se produit, sortant du ‘scénario’ des algorithmes. Les machines basculent alors sur la décision qui protège les investisseurs : vendre. Les algorithmes pourraient tous faire ce choix en peu de temps. La chute des prix entraînerait encore davantage de ventes de la part des algorithmes, et ainsi de suite… ‘Cela n’arrivera jamais,’ nous disent-ils, mais, un jour, cela finit par arriver.« 

Survivre à la foudre et à la tempête…

Les algorithmes ont pris de plus en plus d’ampleur et, en effet, le VIX semble avoir chuté peut-être grâce à eux.

Lorsque les bilans de la BCE, de la Fed, et de la Banque de Tokyo feront enfin chuter les cours des obligations, puis les cours des actions en bourse, les algorithmes porteront peut-être le « coup de grâce »…

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