La Chronique Agora

Le fantasme de la reprise

▪ Les actions ont grimpé. Elles sont allées si haut, pendant si longtemps, que nous souhaiterions presque en avoir acheté.

Mais attendez… Réfléchissons au marché boursier en termes d’or. Les actions ont perdu plus de 75% de leur valeur ces 10 dernières années — et elles continuent de baisser.

L’or a repris du terrain. Le pétrole aussi. La vague de baisse que nous attendons est encore à venir. Mais elle arrive. Parce que l’économie est dans une Grande Correction ; il reste encore beaucoup de choses à corriger.

Rien de ce que nous lisons dans l’économie n’est cohérent avec la description qu’en font les autorités.

Si on les croit, l’économie se remet en ce moment d’une récession — grâce à leur action décisive. Mais les faits ne supportent pas le fantasme de la reprise.

▪ Vous savez quel est le vrai secret du succès ? Il n’y en a pas. Le dur labeur, sur une très longue période de temps, ça rapporte — exactement comme les intérêts composés pour votre épargne.

Plus on travaille dur et longtemps à quelque chose, généralement, plus on a de succès.

Mais voici une idée intrigante : et si l’on travaillait à quelque chose pendant plus longtemps qu’une vie ? Si l’on pouvait faire mettre en oeuvre des efforts pendant plus d’une génération ? Si une génération pouvait aider la suivante à réussir ?

L’idée est à la fois évidente… et choquante. Surtout aux Etats-Unis, où l’on est censé être indépendant, subvenir à ses propres besoins et ne dépendre de personne. Vous devez croire que vous êtes responsable de votre propre succès. Vous êtes supposé pouvoir faire tout ce que vous voulez faire… et aller aussi loin que le permettent votre chance et votre cran.

Mais et si ce n’était pas vrai ? Si votre succès, dans la vie, dépendait largement de vos parents et de vos grands-parents ?

Alors que nous roulions dans Baltimore récemment, nous avons traversé un quartier ouvrier appelé Dundalk. Il y a cinquante ans de ça y vivaient des familles d’ouvriers, gagnant de bons salaires à l’usine General Motors… chez Bethlehem Steel… dans les terminaux de fret, les sidérurgies et les usines.

Aujourd’hui ? Les usines ont en grande partie disparu. Les hommes occupent des emplois à bas salaire dans le secteur des services. Mais ils vivent encore à Dundalk.

Nous n’avons pas de faits. Simplement des observations et des suppositions. Mais les ronds-de-cuir ont déjà conclu que les Etats-Unis ont beaucoup moins de « mobilité sociale » qu’autrefois… et même moins que les Etats-Providence sclérosés d’Europe.

Pourquoi les gens restent-ils à Dundalk ? Sont-ils programmés pour le segment le plus bas de la classe moyenne ? Sont-ils culturellement faits pour des emplois peu qualifiés, à salaire limités ? Leur éducation les prédispose-t-elle à une telle situation ?

Les sociologues débattent quant aux causes. Ce qui nous intéresse, ce sont les effets. Quelle qu’en soit la raison, la génération suivante reprend là où la précédente s’est arrêtée.

Nous savons que la richesse est accumulée sur de nombreuses générations. Nous le savons simplement en regardant autour de nous. Notre génération n’a pas construit la plupart des édifices que nous voyons… ni défriché les champs où nos récoltes sont plantées… ni inventé l’automobile, l’avion, la télévision ou le grille-pain. Nous avons hérité de ces choses et de bien d’autres encore.

Nous savons aussi que si l’on est né à New York plutôt qu’à New Delhi, la vie sera probablement plus facile. Nous savons que lorsqu’on est né dans une famille riche du centre de Manhattan, on sera probablement plus riche, en tant qu’adulte, que lorsqu’on est né dans une famille pauvre à Harlem.

Pourtant, combien de gens prennent la responsabilité de la richesse de leurs enfants ? Combien réfléchissent au moyen de faire travailler leur succès pour la génération suivante… et celle d’après ?

Beaucoup de choses exigent plus qu’une génération. Si vous voulez une allée de chênes le long de votre jardin, par exemple, mieux vaut penser en termes de générations… ou commencer très tôt. Les oliviers peuvent prendre 35 ans avant de produire une récolte digne de ce nom. Ensuite, ils vivent pendant des siècles.

Et qu’en est-il d’une compétence ou d’une réputation ? Combien de temps faut-il pour se construire la réputation d’un grand viticulteur ? D’un grand brasseur ? D’un grand luthier ? Ou d’un grand banquier ?

Pas des années. Des générations.

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