La Chronique Agora

Actions, or, argent-métal, obligataire : bains de sang sur les marchés

banques centrales

▪ C’est un exercice classique au lendemain de la journée des « Quatre sorcières » lorsque celle-ci clôture un semestre sur les marchés financiers : le bilan des six premiers mois de l’année.

Il permet de mettre en évidence les mouvements tectoniques qui s’opèrent entre les différentes zones économiques — et au sein de celles-ci, les grands arbitrages entre diverses classes d’actifs.

S’il fallait retenir trois faits majeurs, nous citerions en premier la déconfiture des marchés émergents. Un comble lorsque l’on écoute la plupart des stratèges qui n’ont encore que ces émergents à la bouche, bien convaincus que la croissance mondiale pourrait atteindre 4% cette année si 2013 se termine mieux qu’elle n’avait commencé.

Nous espérons qu’ils ne sont pas trop « chargés »… car les scores boursiers sont éloquents ce matin, avec un véritable bain de sang en Asie : -10% en Corée et -13,5% à Shanghai (l’indice a d’ailleurs pulvérisé au passage le seuil décisif des 2 000 points), -12,5% à Hong Kong. L’Amérique latine ne va guère mieux, avec -11% au Chili, -13,7% au Mexique et -23% au Brésil.

Le deuxième basculement majeur commence juste à projeter l’ombre d’un doute dans l’esprit des permabulls. Il s’agit de la remontée des taux qui s’étage entre 40% pour les pays les mieux lotis (Allemagne, France, Canada) et 50% aux Etats-Unis (entre 1,65% et 2,5%) ou au Brésil — le pays où il fallait jouer le rebond conjoncturel après une année 2012 morose car la proximité du Mondial de football de 2014 allait relancer la machine à toute vapeur.

Résultat : le pays, rongé par l’inflation, est au bord de l’explosion sociale. Quant au Mondial, il devient une véritable malédiction budgétaire.

Le troisième basculement concerne les matières premières industrielles et les métaux précieux. On a enregistré une chute de 23% de l’or et de 38% de l’argent-métal en six mois.

Les spécialistes des commodities prédisent une poursuite de la glissade du cuivre, du zinc et du fer, pour cause de fort ralentissement de la construction en Chine et d’une croissance beaucoup faible que prévue du BTP en Inde.

En ce qui concerne l’or et l’argent : l’actuelle remontée des taux pourrait les faire chuter de 5% supplémentaires très rapidement (peut-être même d’ici le 28 juin, dernière séance du premier semestre. L’argent-métal pourrait même avoir bientôt reperdu 50% en moins de 12 mois à 18,7 $/once.

▪ Qu’en est-il des actions ?
Le bilan à mi-parcours est beaucoup moins spectaculaire pour les actions françaises : il se solde par un « coup nul » pour le CAC 40 (+0,5%). Ce dernier s’en tire bien mieux que l’Euro-Stoxx 50 et ses -3,3% sur les six premiers mois.

La bourse helvétique reste largement en tête du classement européen avec +8,8%, loin devant Londres (+3,7%) et Francfort (+2,3%).

En ce qui concerne le marché obligataire, l’année est désormais lourdement perdante avec des OAT qui affichent 2,3% de rendement contre 1,8% en début d’année (et 1,7% début mai).

Wall Street survole le classement avec +13% pour le Dow Jones et +11,5% pour le Nasdaq Composite.

De quoi relativiser l’émoi qui s’est emparé jeudi soir des marchés américains suite à la prestation de Ben Bernanke devant la presse économique…

Un de ses collègues, James Bullard, estime que le timing de l’annonce d’une inflexion de la stratégie de la Fed n’était pas optimal… C’est une évidence, le décrochage des indices américains ayant eu lieu au plus mauvais moment, à la veille de la journée des « Quatre sorcières ».

Certains espéraient un sursaut salvateur vendredi… mais il n’a pas eu lieu. Wall Street s’est toutefois épargné une seconde séance de correction à la hache comme on l’observait sur l’Euro-Stoxx 50 avec -1,4% au lendemain d’un sell-off de -3,6%, soit -5% en un peu moins de 48 heures.

Les indices américains ont échappé à la contagion de l’Europe et de l’Asie. Ils ont clôturé en ordre dispersé avec +0,28% sur le Dow Jones et le S&P 500 tandis que le Nasdaq (-0,23%) a été littéralement plombé par les -9,5% du titre Oracle, victime d’une stagnation de ses ventes annuelles.

Su l’ensemble de la semaine, le Dow a lâché -2,5%, le Composite -2,75%. Le VIX est passé de 16,3 lundi à 21 vendredi midi avant d’en terminer à 18,9 vendredi soir.

▪ Bain de sang sur l’obligataire américain aussi
Le repli des actions est presque anecdotique en regard de la chute du T-Bond 2023. Il affichait vendredi soir plus de 2,54% de rendement, contre 2,12% vendredi dernier et 2,17% jeudi après-midi. La semaine se solde par un bain de sang sur le marché obligataire américain.

La hausse des taux a provoqué un mini-krach sur l’or : -100 $ à 1 285 $ l’once en une semaine et un plus bas depuis septembre 2010 à 1 270 $. Idem pour l’argent-métal, avec -10% en hebdomadaire, à 19,8 $.

Un rebond de dernière minute a permis à l’once de reprend 15 $ pour clôturer à 1 298 $… mais un nouveau test des planchers annuels nous semble hautement probable au cours des prochaines heures ou des toutes prochaines séances.

Nous redoutons à peu près tous les scénarios de correction sur les bons du Trésor et sur les actions — n’oublions pas que le S&P 500 n’a reperdu que 5% sur ses sommets annuels alors que les taux longs se sont retendus de 90 points de base en six semaines. Pour autant, nous ne nous pardonnerions pas de faire preuve de frilosité si l’once d’or venait à tutoyer les 1 260 $ (33% de repli par rapport aux sommets), voire les 1 190 $ (retracement de 38,2%). De même si l’argent-métal revenait frôler les 18,7 $ (soir -61,8% par rapport à son zénith historique de mai 2011).

L’or et l’argent évoluent désormais à proximité de leur coût moyen de production. De nombreuses entreprises minières ne sont plus rentables aux cours actuels.

Nous avons atteint un seuil à partir duquel l’offre pourrait se raréfier spectaculairement. En effet, peu d’exploitants disposent des moyens de produire longtemps à perte pour préserver leur part de marché… Et la Chine, qui est devenue le premier producteur d’or de la planète (loin devant une Afrique du Sud en nette perte de vitesse), est bien incapable de satisfaire sa demande interne.

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