La Chronique Agora

Rachats d’actions… tant que Janet Yellen maintient le QE

▪ Beaucoup de commentateurs ont glosé sur la « gaffe » de Janet Yellen mercredi dernier. Ils sont bien convaincus que les membres de la Réserve fédérale sont loin d’être unanimes sur l’opportunité d’entreprendre la normalisation des taux — c’est-à-dire piloter leur resserrement graduel — « environ six mois » après que la Fed ait clôturé son programme de rachat d’obligations.

Jan Hatzius, le stratège en chef de Goldman Sachs, fait même la leçon à Janet Yellen. Il explique qu’elle doit apprendre à gérer la pression des journalistes en conférence de presse, ne jamais se montrer trop précise ni trop catégorique dans ses diagnostics et surtout rester évasive lorsqu’elle aborde des sujets déplaisants pour les marchés… comme le retrait du « bol de punch » et la hausse du coût des liquidités qui alimentent la hausse éternelle des marchés.

Le principe de précaution invite à prendre les devants en tenant compte de la date la plus rapprochée, soit avril 2015

M. Hatzius semble convaincu — et son avis équivaut à une ferme recommandation qu’il adresse à la Fed — que les taux vont rester à zéro jusqu’à fin 2015, voire début 2016 (neuf mois au-delà du calendrier que semble s’être fixé Mme Yellen). Cependant, le principe de précaution invite à prendre les devants en tenant compte de la date la plus rapprochée, soit avril 2015.

Pour les entreprises, cela signifie qu’il ne subsiste plus que 12 mois d' »open bar » pour procéder à des opérations de refinancement de leurs dettes et surtout à des rachats d’actions.

▪ Record de rachats
Les montants consacrés à des rachats d’actions ont d’ailleurs atteint un nouveau record historique au quatrième trimestre 2013, d’après une estimation de Howard Silverblatt, analyste senior chez Standard & Poor’s/Dow Jones Indices.

Ils se sont élevés à 129,4 milliards de dollars, en regard d’un bénéfice d’exploitation cumulé de 250 milliards (en quasi-stagnation). Ceci a coïncidé avec une hausse de 10% des indices américains.

Dans le même temps, les entreprises ont émis plus de 200 milliards de dollars de dettes… une bonne partie étant justement employée pour financer des rachats de titres et verser des dividendes plus substantiels.

Les banques centrales comme la Bundesbank demandent à rapatrier leur or des coffres américains et français.

Ce qu’elles ne savent pas, c’est qu’elles risquent fort de ne jamais revoir leurs lingots !

Découvrez pourquoi sans plus attendre : il pourrait y avoir de spectaculaires profits à la clé.

 

C’est encore assez éloigné du pic historiques des 298,8 milliards de dollars du quatrième trimestre 2012 (mise en place du « QE3 éternel »)… mais il n’est pas exclu de s’en rapprocher au cours des prochains mois si les entreprises se hâtent de devancer l’appel d’une hausse du loyer de l’argent.

Pour beaucoup de stratèges, les rachats de titres devraient constituer l’un des principaux moteurs de la hausse à Wall Street tout au long de l’année 2014. Ils pourraient contribuer pour 1,5% à 2% à la hausse des dividendes ; le montant global des rachats s’est élevé à 400 milliards de dollars en 2013, alors que les entreprises du S&P 500 n’ont consacré que 150 milliards à des investissements visant à optimiser leur croissance.

Les analystes reconnaissent d’ores et déjà que les résultats du premier trimestre 2014 devraient être stagnants

Les analystes reconnaissent d’ores et déjà que les résultats du premier trimestre 2014 devraient être stagnants, contre un taux de croissance de 4,4% estimé d’octobre à fin décembre 2013. Cela en raison d’un grand nombre d’avertissements sur résultats ou de révisions à la baisse concernant le chiffre d’affaires (84% des entreprises ont annoncé des perspectives inférieures à celles anticipées un an auparavant).

Qu’à cela ne tienne, la plupart des gérants nous resservent le même couplet : la raréfaction du nombre de titres en circulation va maintenir le niveau des profits distribués… Il n’y a aucune raison de s’alarmer d’une conjoncture moins florissante que ce que les médias claironnent.

Personne ne s’alarmera non plus que les entreprises dégradent leur structure de bilan en se chargeant de dettes puisque les taux courts sont à zéro.

▪ Serpent et bémol
Il existe tout de même quelques gérants mal embouchés qui veulent voir des gains réels, et des ventes réelles. Ils se demandent à partir de quel moment le serpent qui se dévore la queue — et commence dans certains cas à ressembler à une bouée de plage — se retrouvera dans l’impossibilité d’en avaler davantage.

Les plus pessimistes estiment que la stratégie consistant à racheter des actions ira jusqu’au bout de l’absurdité. En effet, beaucoup de dirigeants sont directement intéressés à la croissance algébrique du profit par titre (par opposition à la croissance réelle) ; ils ne peuvent tout simplement pas s’exposer à une sanction du marché en cas d’ajustement des dividendes en fonction de la santé de leurs affaires.

D’autre part, des ETF (fonds indiciels) jouant cette thématique se multiplient et sont plébiscités par les investisseurs. C’est une manne dont les bénéficiaires auraient tort de se priver… et ça marche.

Un petit bémol cependant : quelques poids lourds du Dow Jones et du S&P voient leurs cours stagner depuis des mois malgré l’annonce de plans de rachats d’actions massifs, comme IBM, Mc Donald’s, Merck, etc.

Globalement, cependant, et à l’image d’Apple, les rachats de titres continuent de plaire à Wall Street : parce que l’approche purement mécaniste est encouragée depuis 2009 par la Fed… et parce que c’est le genre d’habitude confortable à laquelle il est difficile de renoncer.

Le marché veut vider le « bol de punch » jusqu’à la dernière goutte : tant que l’orchestre joue, « alors on danse ! Alors on danse »…

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