▪ Oh là ! Les investisseurs agissent comme si on était de retour en 2007.
USA Today nous en dit plus :
"Enhardis par la vertigineuse ascension des actions et les plus bas record des coûts de l’emprunt, les investisseurs boursiers s’endettent pour leur portefeuille au rythme le plus rapide depuis avant l’arrivée de la Grande récession".
"La ‘dette de marge’ (margin debt, emprunt sur la valeur du portefeuille afin d’acheter plus d’actions) a atteint 379,5 milliards de dollars en mars, son plus haut niveau depuis juillet 2007, mois où elle avait battu le record historique de 381,4 milliards de dollars, selon les plus récentes données disponibles compilées par le New York Stock Exchange".
"Cette tendance signifie que les investisseurs sont plus détendus et plus prêts à utiliser de l’argent emprunté pour acheter de nouveaux titres boursiers dans l’espoir d’engranger des rendements plus abondants dans un marché brûlant qui a fait grimper le Dow Jones de plus de 15% en 2013".
Pourquoi les investisseurs sont-ils aussi haussiers ? Parce que l’économie fait son grand retour ? Parce que l’avenir est tout rose ? Parce que les actions — dont les revenus sont déjà en territoire record — vont gagner encore plus ?
▪ La Fed à la rescousse
Non… Pour qui nous prenez-vous, cher lecteur ? Nous avons le fin mot de l’histoire. Les actions grimpent parce que la Fed les fait grimper. Voici David Rosenberg dans le journal canadien Financial Post :
"La Fed US a toujours joué un grand rôle pour influer sur les tendances des marchés financiers, même si les effets sur l’économie ont été bien moins notables. Cette influence s’est même renforcée ces derniers temps, à tel point que la corrélation entre le bilan de la Fed et la direction du marché boursier, qui était de 15% à peine avant que tous ces rounds d’assouplissement quantitatif ne commencent il y a quatre ans, est désormais de 85%".
"A titre de comparaison, la corrélation utilisée de longue date entre le marché et les revenus des entreprises est restée inchangée, à 70% environ".
"La Fed essaie de ramener le coût global du capital à un niveau correspondant à un taux directeur de -2,2%, chiffre auquel le taux devrait être si l’on se base sur l’inflation actuelle et la surcapacité encore gigantesque dans l’économie".
"Mais le taux directeur est à zéro depuis plus de quatre ans. La Fed ne peut pas créer comme par magie un taux nominal négatif, de sorte qu’elle utilise son bilan pour parvenir au même résultat".
"Ce qui nous amène à mon tout dernier argument — ce que je pense être un virage crucial lorsque la Fed a déclaré dans un communiqué de presse en décembre dernier qu’elle ne changerait pas sa politique de taux zéro avant que le chômage aux Etats-Unis passe sous les 6,5%. Il est actuellement aux environ de 8%".
"Nous avons fait des estimations basées sur diverses hypothèses et découvert que ce Saint-Graal ne serait probablement pas atteint avant le début 2018 — soit cinq années supplémentaires de ce qu’on appelle aussi de la répression financière".
▪ Quand le remède est pire que le mal
Attendez une minute. Si la Fed continue de gonfler les prix des actions pendant encore cinq ans, est-ce que ça ne va pas mettre les actions en territoire d’"exubérance irrationnelle" ? Des taux d’intérêt artificiellement bas — sur une période aussi longue — ne créeront-ils pas la même sorte de distorsions et de bulles qui ont mené à la crise de 2008-2009 ?
Eh bien… si… bien sûr.
Mais la Fed est sur le coup. C’est écrit dans le journal. Les gouverneurs de la Fed "réfléchissent à une stratégie de sortie". Sortie de quoi ? Ils essaient de trouver comment descendre de leur montagne.
Depuis quatre ans, ils grimpent et grimpent — offrant des prêts à des taux d’intérêt négatifs… essayant d’encourager les gens à emprunter et dépenser. Ils veulent que les gens se séparent de leur argent, non qu’ils l’épargnent. La Fed a aussi donné plus d’argent à l’économie — le QE1, le QE2, et désormais le QE3. Dans la version actuelle du QE, elle imprime 58 milliards de dollars supplémentaires par mois et les injecte dans le système bancaire.
Cet argent n’a pas beaucoup aidé l’économie réelle — le chômage a baissé, mais uniquement parce que des gens abandonnent la recherche d’emploi ; en revanche, il a fait des merveilles pour les prix des actions. Le Dow Jones a plus que doublé depuis 2009. Il est dans le vert cette année aussi — battant record après record.
Ben Bernanke dit qu’il ne visait pas les actions boursières avec son programme d’assouplissement quantitatif — mais c’est ce qu’il a atteint… grimpant de plus en plus haut pour mieux viser. A présent, il est assis sur un massif monétaire quatre fois plus haut qu’en 2007.
Comment la Fed va-t-elle en descendre sans se faire mal ? Si les prix des actions sont aussi étroitement liés à l’impression monétaire de la Fed, ne vont-ils pas baisser quand la planche à billets cessera de fonctionner ? Et comment la Fed réagira-t-elle quand elle verra les actions entamer un nouveau grand marché baissier ?
Nous sommes d’avis que dès l’instant où Bernanke laissera entendre qu’il est sur le point d’arrêter l’impression, les actions commenceront à glisser. Et quand la planche à billets s’éteindra pour de bon, elles plongeront. C’est à ce moment-là que les choses deviendront intéressantes. Si la Fed ne peut pas faire machine arrière maintenant… comment fera-t-elle quand les marchés et l’économie seront encore plus dépendants ?
Elle paniquera… et grimpera plus haut encore.