La Chronique Agora

Les actions à dividendes écrasent le marché

business growth up concept

On entend souvent que les entreprises devraient réinvestir leur trésorerie plutôt que la distribuer aux actionnaires. Mais les faits prouvent le contraire : à long terme, les actions à dividendes affichent des performances supérieures.

L’argument le plus courant que j’entends de la part des investisseurs peu intéressés par les dividendes est qu’une entreprise devrait trouver mieux à faire de sa trésorerie que de la redistribuer à ses actionnaires. Ils affirment que ces fonds devraient être utilisés pour développer l’activité, que ce soit en réinvestissant dans l’entreprise elle-même ou en en rachetant d’autres.

Mais c’est loin d’être juste.

Voyons pourquoi cet argument ne tient pas la route.

Evidemment, je ne suis pas opposé à ce qu’une équipe dirigeante investisse dans sa propre entreprise pour favoriser la croissance ou même pour acquérir d’autres sociétés tant que cela contribue à améliorer la rentabilité et les flux de trésorerie à long terme.

Mais bien souvent, les dirigeants gaspillent le capital des actionnaires dans des acquisitions hasardeuses, simplement parce que l’argent est disponible.

Dans mon livre Get Rich with Dividends, j’évoque une discussion que j’ai eue avec Scott Kingsley, alors directeur financier de Community Bank System (CBU). Il m’avait expliqué pourquoi l’entreprise a pour politique de restituer régulièrement du capital à ses actionnaires sous forme de dividendes.

Il m’a dit : « Nous sommes très attentifs à l’efficacité du capital. Nous pensons que ‘thésauriser’ du capital dans le but de le réinvestir éventuellement dans une acquisition ou un autre projet peut mener à des pratiques peu souhaitables. » Il a ajouté que, grâce à cette politique de versement de dividendes, lorsqu’un projet d’acquisition se présente, la direction est souvent obligée de se tourner vers les marchés financiers pour le financer – ce qui l’oblige à bien réfléchir à la pertinence de l’opération.

Passons un (mauvais) deal

Combien d’acquisitions désastreuses pouvez-vous citer ?

Il y a de fortes chances que la direction les ait conclues parce qu’elle disposait de liquidités en abondance. Alors, pourquoi ne pas les dépenser quelque part, non ?

En 1994, Quaker Oats (désormais propriété de Pepsi) a racheté Snapple pour 1,7 milliard de dollars. Trois ans plus tard, elle revendait Snapple pour 300 millions, soit une perte de 82 % sur son investissement. Cela signifie que 25 $ par action des actionnaires de Quaker Oats sont partis en fumée, tombés dans la poche des anciens propriétaires de Snapple.

Les actionnaires auraient-ils préféré toucher un dividende à la place ? Je ne lis pas dans les pensées, mais je vais répondre : très probablement.

De même, en 2007, Clorox (CLX), qui a pourtant une solide tradition de retour de capital aux actionnaires, a déboursé 925 millions de dollars pour acquérir Burt’s Bees. Quatre ans plus tard, elle a passé une dépréciation de 250 millions sur cette acquisition, soit environ 2 $ par action.

Les actionnaires de Clorox auraient-ils apprécié un dividende de 2 $ par action ? J’en suis convaincu.

Cela ne veut pas dire que Clorox aurait versé un dividende de 2 $ si elle avait payé le juste prix pour Burt’s Bees, mais cela montre bien à quel point les entreprises peuvent être tentées de dépenser l’argent des actionnaires – quel que soit le prix – pour décrocher une acquisition supposément stratégique.

Dividendes = bénéfices plus solides

Des études ont montré que les entreprises qui versent des dividendes ont des bénéfices plus fiables que celles qui n’en versent pas.

Douglas J. Skinner et Eugene F. Soltes, professeurs respectivement à l’université de Chicago et à Harvard, ont conclu ceci :

« Nous constatons que les bénéfices publiés des entreprises versant des dividendes sont plus durables que ceux des autres entreprises, et que cette relation est remarquablement stable dans le temps. Nous constatons également que les sociétés distributrices de dividendes enregistrent moins souvent des pertes, et que les rares pertes qu’elles affichent sont généralement transitoires et dues à des éléments exceptionnels. »

Les sociétés qui ne versent pas de dividendes peuvent donc utiliser leur trésorerie pour financer leur croissance, mais celles qui versent des dividendes présentent des bénéfices plus solides et plus réguliers. Et une règle fondamentale de l’investissement est que les cours suivent les bénéfices.

Si les bénéfices sont meilleurs et plus stables pour les entreprises distributrices, cela signifie que leurs actions devraient mieux se comporter.

Et c’est bien le cas. Sur une période de 45 ans, les entreprises ayant augmenté ou initié un dividende ont surperformé le marché général de 170,6 %, tandis que celles qui n’en ont pas versé sont restées globalement stagnantes. Les actions à dividendes surpassent largement celles qui ne distribuent rien, et leurs actionnaires perçoivent des revenus pendant que leur capital profite de cette performance.

Alors, la prochaine fois qu’un ami vous dit qu’une entreprise devrait faire meilleur usage de son argent que de verser un dividende, souhaitez-lui bonne chance pour ses placements – et préparez-vous à lui payer un déjeuner dans quelques années… car c’est vous qui en aurez les moyens.

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