La Chronique Agora

Acquis sociaux : l’Espagne recule, l’Allemagne avance… presque

▪ Il y a eu cascade de records historiques prévisibles inscrits à Wall Street à la veille du week-end — c’est tellement classique et systématique que les opérateurs jettent un regard blasé sur la répétition à perte de vue de ce scénario. Nous allons donc faire un crochet par la vraie vie des vrais gens avec de nouvelles manifestations massives anti-austérité en Espagne samedi.

Il faut se dépêcher de s’en faire l’écho. En effet, ces rassemblements qui fâchent les partisans de l’actuel gouvernement de centre droit risquent de disparaître au cours des prochains mois si l’Assemblée espagnole vote un projet de loi prévoyant d’infliger 600 000 euros d’amende aux organisateurs de manifestations non autorisées par les autorités locales.

Après l’anéantissement en moins de quatre ans de 40 ans de conquêtes sociales, c’est le droit de manifester qui pourrait être « encadré » — et plus cyniquement enterré –, comme aux heures les plus sombres d’une histoire pas si ancienne, où le peuple espagnol rêvait de démocratie.

Allez lui expliquer que « c’est pour le bien du pays » car il faut tout faire pour rassurer les investisseurs… Et le concept de « dictature des marchés » cesserait d’être une simple figure littéraire.

▪ Le SMIC en Allemagne…
L’Allemagne semble symétriquement faire un pas vers plus de justice sociale et d’harmonisation des standards salariaux européens avec l’instauration d’un salaire minimum en Allemagne.

Ceci mettrait fin à un dumping salarial qui jette au chômage des milliers de travailleurs dans les pays concurrents (notamment en France, en Italie et aux Pays-Bas) ; il est compréhensible que personne ne jubile outre-Rhin.

L’instauration d’un « SMIC » (valable pour toutes les branches et dans l’ensemble du pays) était la condition impérative de l’adhésion du SPD à une coalition gouvernementale avec Angela Merkel.

Celle-ci a déclaré, mortifiée : « nous allons décider des choses qu’au vu de mon programme, je ne considère pas comme justes, parmi elles, un salaire minimum généralisé. Il était évident que les négociations avec les sociaux-démocrates n’auraient pas abouti sans un salaire minimum, une de leurs revendications centrales ».

▪ … oui, mais pour quand ?
Le diable se niche souvent dans les détails… Or aucun de ceux concernant le SMIC à l’allemande n’est connu et personne ne sait quand sera mise en place cette mesure.

Il est en revanche déjà acquis que le SPD renonce à ses exigences en matière de fiscalité visant les plus favorisés ou la taxe sur les transactions financières.

Les libéraux d’Alternativ fur Deutschland (4,8% des suffrages aux dernières élections, il s’en est fallu d’un cheveu pour que ce parti obtienne plusieurs sièges au Bundestag) se posent en alliés objectifs d’Angela, considérant que le SMIC va « menacer les emplois en Allemagne » !

Paris salue au contraire ce qui est considéré comme « le signal d’une approche plus coopérative des politiques économiques en Europe ».

Il ne faut pas se réjouir trop vite du côté de l’Elysée ou de Matignon. En effet, rien ne bougera avant la mise en place du nouveau gouvernement, prévue autour du 16 décembre, le temps de peaufiner le projet politique de la nouvelle coalition. C’est seulement alors que pourront s’enclencher les pourparlers devant aboutir à l’instauration du salaire minimum.

▪ En bourse, des séances pour rien
Heureusement que quelques actualités sociales sont venues égailler la litanie des « séances pour rien » qui se succèdent depuis le 10 octobre à Paris.

Une semaine pour rien pour le CAC 40 (-0,32%)…

Une semaine pour rien en ce qui concerne la communication de la BCE — deux conférences de presse consécutives, jeudi et vendredi, pour finalement ne rien dire…

Une semaine pour rien du côté des chiffres européens avec une Allemagne qui respire la santé et la France et l’Italie au bord de l’apoplexie…

Une semaine pour rien du côté des chiffres américains — trop contradictoires, y compris au niveau de la production industrielle…

Une semaine pour rien du côté de la Fed qui ne donne pas d’indication sur le calendrier du tapering

Dans de telles conditions, il n’est peut-être pas étonnant que les marchés cherchent une direction et que Paris semble encore plus « dans le brouillard » que les autres.

A moins que la coupe ne soit pleine et que les gérants ne soient finalement pas si sous-investis que l’on voudrait nous le faire croire.

L’introduction en bourse du fabricant de revêtements de sol Tarkett, vendredi, s’est soldée par une chute de 5,5% (par rapport à +45% le premier jour sur Blue Solutions). Cela prouve que les opérateurs veulent du spéculatifs, c’est-à-dire des gains rapides… et non investir sur du moyen ou du long terme.

Ce n’est pas que Tarkett se soit pris les pieds dans le tapis, comme certaines mauvaises langues l’affirmaient un peu hâtivement à la clôture. C’est plutôt que le sol se dérobe sous les pas des entreprises qui font pourtant voeu de garder les pieds sur terre.

En revanche, les investisseurs sont pied au plancher sur Amazon et Twitter… Tout un symbole !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile