** "Acheter la rareté" est souvent une bonne idée. Propriétés en bord de mer, pièces d’or en parfaite condition, œuvres d’art en série limitée… tout cela témoigne de la valeur de la rareté. Mais parfois, la rareté est temporaire, surtout sur les marchés des matières premières. Pendant des mois, voire des années, la demande écrasera l’offre d’un produit énergétique, d’une céréale ou d’un métal en particulier. Mais la production finit par rattraper la demande, et la rareté cède le pas à l’excès.
– En tant qu’investisseurs, nous devrions toujours rechercher la rareté, qu’elle soit durable ou temporaire. La rareté crée l’opportunité.
** Prenez la Chine, par exemple, et son gigantesque projet de construire plusieurs nouvelles centrales nucléaires. Les ambitions nucléaires de la Chine sont vertigineuses : 50 milliards de dollars et 32 centrales d’ici 2020. On murmure des chiffres encore plus stupéfiants — avec 300 centrales supplémentaires d’ici la moitié du siècle.
– Une sorte de renaissance nucléaire se fait sentir depuis quelque temps. La meilleure preuve de cela réside sans doute dans le prix de l’uranium. En 2004, le prix d’une livre de minerai d’uranium traité n’était que de 14,40 $. Aujourd’hui, on approche les 120 $. On pourrait penser que l’envolée des cours de l’uranium freinerait la construction de nouvelles centrales — mais ce n’est de toute évidence pas le cas.
– L’un de mes amis travaille pour le département américain de l’Energie. Il surveille plusieurs projets de recherche liés au nucléaire. Lorsque j’ai mentionné le prix de l’uranium au cours de l’une de nos conversations, il m’a affirmé que le minerai ne manquait pas.
– "Nous savons où il est", a-t-il déclaré. "Nous pouvons rendre les Australiens extrêmement riches — comme les Saoudiens avec le pétrole". Le Canada en produit également pas mal, tout comme le Kazakhstan. Le problème, c’est qu’il n’y a pas beaucoup d’uranium en ce moment.
– On compte environ 4,7 millions de tonnes de ressources d’uranium identifiées, que les entreprises peuvent extraire à moins de 60 $ la livre, selon un récent rapport de l’OCDE/AIEA. "Aux taux de génération nucléaire de 2004", affirme le rapport, "cela représenterait assez [d’uranium] pour nourrir les réacteurs de la planète durant 85 ans". Mais l’uranium dans le sol, ce n’est pas la même chose que l’uranium dans une centrale nucléaire. Il faut du temps pour démarrer une nouvelle mine.
– Les prix de l’uranium pourraient donc continuer à grimper durant plusieurs années — surtout si l’on tient compte du fait que la hausse des prix ne ralentira probablement pas la demande. Même à 100 $ la livre, l’uranium ne mobilise pas une part importante des coûts de l’énergie nucléaire. "Le carburant ne représente que 26% des coûts de production pour l’électricité générée par le nucléaire", explique le Nuclear Energy Institute. "Par contraste, le carburant représente plus des trois quarts des coûts de l’électricité générée par le charbon, le pétrole ou le gaz".
– Cet avantage est l’une des raisons pour lesquelles l’énergie nucléaire est relativement bon marché. "Les centrales nucléaires américaines ont les coûts de production les plus bas, parmi toutes les grandes sources d’électricité — seule l’hydro-électricité est moins chère", continue le Nuclear Energy Institute. "En 2005, les coûts de production de l’électricité nucléaire étaient de 1,72 cents par kilowatt/heure (kWh), à comparer avec 2,21 cents par kWh pour le charbon, 7,51 cents pour le gaz naturel et 8,09 cents pour le pétrole".
– Même si les prix de l’uranium doublent au cours des prochaines années, l’énergie nucléaire resterait extrêmement compétitive, en tant que source énergétique. Bien entendu, dans quelques temps, de nouvelles mines d’uranium s’ouvriront. Et bien entendu, le prix de l’uranium pourrait reculer. Et alors ? En attendant, les cours pourraient grimper en flèche — d’autant plus que la demande semble assurée d’augmenter radicalement.
– Seuls 103 réacteurs sont en ligne aux Etats-Unis en ce moment. Mais ces centrales ne fournissent que 20% de l’offre énergétique actuelle aux USA. La France est en tête, avec près de 80% de son électricité provenant de centrales nucléaires. La Chine, assez ironiquement, est dans les derniers, avec 2,3%. Etant donné les bouleversements que la demande chinoise a provoqués pour d’autres matières premières, nous devrions prendre note de ce nouvel intérêt pour l’énergie nucléaire. Cela semble de bon augure pour le prix de l’uranium et les profits de ceux qui en vendent.
– Il y a toujours, sur notre planète bleue, des actifs dont l’offre est limitée, pour une demande élevée. Trouver ce genre d’actifs — rares, et qui le deviennent encore plus — sans les payer trop cher n’est probablement pas une mauvaise formule d’investissement.