** Le mois dernier, j’ai passé un peu de temps dans la ville de San Juan, à Porto Rico. Un jour, nous avons visité la vieille ville, la plus ancienne implantation du territoire des Etats-Unis, dont l’histoire débute en 1508. Nous avons aussi visité une vieille forteresse, officiellement connue sous le nom d’El Castillo San Felipo del Morro ou simplement El Morro.
La forteresse a dû donner des frissons à tous ceux qui ont nourri l’espoir de la conquérir. Les murs d’El Morro mesurent 6 mètres de large sur 50 mètres de haut. Construite sur un promontoire, elle a permis à l’Empire espagnol de contrôler les flux de marchandises en provenance et en partance du Nouveau Monde. La résistance d’El Morro a été testée de nombreuses fois. Encore aujourd’hui, il est possible de grimper dans la plus vieille tour de la forteresse, construite en 1539, pour apercevoir sur le toit des éclats d’obus qui datent du bombardement de San Juan par les forces navales américaines en 1898, au cours de la guerre les opposant à l’Espagne.
El Morro est la preuve qu’en matière de guerre, certaines choses n’ont pas changé depuis que Josué a contemplé les murs de Jéricho ou que Périclès a envoyé la flotte athénienne à l’assaut de Sparte.
** En matière d’investissement, il y a aussi des choses qui n’ont pas changé depuis que 24 fameux agents de change se sont rencontrés sous un platane pour donner naissance à ce qui allait devenir la Bourse de New York. Acheter à la baisse et vendre à la hausse fonctionne dans tous les marchés. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Comme James Grant, éditeur du Grant’s Interest Rate Observer, le remarquait dans un de ses récents courriers : "Nous autres, êtres humains, prétendons que nous aimons acheter en cas de baisse et vendre en cas de hausse. Mais notre instinct tend à nous dicter le contraire. Les prix les plus bas ne nous apparaissent réellement bas que rétrospectivement. Sur le moment, ils nous effraient pour la simple raison qu’ils semblent trop bon marché."
C’est un de ces moments. Et c’est caractéristique du genre de panique où nous nous trouvons. Les investisseurs qui étaient enclins à acheter des actions il y a un an, alors que le Dow atteignait ses plus hauts records, sont les mêmes investisseurs qui ont maintenant peur d’acheter des actions, même si leurs prix ont chuté de moitié. Les investisseurs couronnés de succès achètent des actions quand elles sont bon marché et en baisse. Les autres paniquent.
** Laissez-moi vous raconter une petite histoire qui devrait illustrer mon propos.
En juillet 1986, John Mendelson, un stratège de la société de courtage Dean Witter Reynold, était parti à la pêche avec son fils. Pour une raison quelconque, il a pensé que la bourse allait tomber. Et le lundi matin, au cours de la réunion du conseil, Mendelson a convaincu 60 agents de change qu’il était temps de vendre.
Après la réunion, ils se sont rués sur leur téléphone (c’était le bon vieux temps, avant l’ère des BlackBerries et de l’Internet.) En peu de temps, la consigne de vente s’était propagée à 600 investisseurs institutionnels. Le Dow Jones est tombé de 62 points. C’était au moment où le Dow n’atteignait que 1900 points. Il s’agissait donc d’une chute significative.
Lars Tvede raconte cette histoire dans son livre La psychologie des marchés financiers. Il démontre comment un homme seul peut entraîner une chute significative du marché. Cela semble arbitraire et ça l’est. L’investisseur de 1986 s’est peut-être inquiété de voir ses actions dans le rouge, mais il n’aurait pas dû. La liquidation avait plus de rapport avec l’intuition d’un homme parti à la pêche qu’avec la valeur de ses propres investissements.
** L’économiste Robert Shiller s’est intéressé aux raisons pour lesquelles les gens se mettent à vendre au cours des chutes comme celles de 1986. En septembre 1986, le marché est encore tombé de 87 points. Shiller a interrogé des centaines d’investisseurs institutionnels et un grand nombre d’investisseurs individuels sur les raisons de leurs ventes ou de leurs achats au cours de cette période. Sur les 113 réponses qu’il a reçues, aucune ne rattachait les ventes au climat économique ou aux raisons fondamentales que les médias ont avancées après coup. Au lieu de ça, Tvede écrit, "ce qui était le plus mis en avant, était la chute du marché elle-même."
Après le grand crash de 1987, Shiller à nouveau envoyé des milliers de questionnaires. Les résultats étaient les mêmes. La raison principale qui avait fait vendre les investisseurs était simplement que le marché était en baisse.
Cela me rappelle un vieux proverbe chinois selon lequel un chien aboie après quelque chose pendant que cent chiens aboient après l’aboiement.
Essayez simplement de ne pas être de ces chiens qui aboient après l’aboiement.