La Chronique Agora

Perte du AAA en France, scandale en Espagne… mais Wall Street grimpe envers et contre tout

▪ Si la longueur de cette chronique était proportionnelle aux volumes échangés à la bourse de Paris, nous pourrions prendre congé de nos lecteurs à la fin de cette phrase !

Mais les actions ne sont pas le seul sujet : il y avait également un volet politique inhabituellement abondant pour une mi-juillet.

Nous glisserons rapidement sur la promesse présidentielle d’un retour de la croissance en 2013. Nous ne traitons pas de sujets ayant trait à la foi ou à la superstition dans cette chronique ; ceux qui s’étaient munis d’un parapluie pour assister au défilé du 14 juillet ont eu l’air ridicule… Et pourtant, ils étaient convaincus qu’une averse très localisée risquait de s’abattre sur les Champs-Elysées et la Place de la Concorde entre 9h et 11h30.

Beaucoup d’investisseurs pessimistes pensaient aussi que le CAC 40 et les OAT seraient douchés par la dégradation de la dette française par Fitch vendredi soir… Mais le soleil a continué de briller sur les marchés durant toute la séance de lundi dans un ciel sans nuages.

▪ Scandales et imbroglios
Le scandale politique dans lequel est englué le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy parait un peu plus inquiétant pour les marchés… Toutefois, il ne s’agit que d’un scandale de corruption de plus — et il n’y aurait pas grand monde pour regretter sa démission ou redouter qu’un éventuel successeur fasse pire en matière de chômage et de récession.

La situation au Portugal semble bien plus ubuesque, avec la constitution d’une fausse coalition entre des partis politiques qui sont aussi faits pour coopérer (et gérer conjointement le pays) que des joueurs de foot et de rugby qui se partagerait le même stade pour disputer la finale dans leur discipline respective.

Que tout le monde se rassure, Mariano Rajoy ne démissionnera pas. Il souhaite boire le calice jusqu’à la lie et voir sa tête brandie au bout d’une pique… Quant à M. Passos Coelho, le Premier ministre portugais, il se fait fort de réconcilier amateurs de foot et de rugby autour d’une partie de cache-cache d’ici le 21 juillet : comme ça, il n’y a même plus besoin de ballon, cela devrait mettre tout le monde d’accord, non ?

Et la Grèce… mais qui se soucie encore de sa coalition gouvernementale en décomposition ?

Le FMI et l’Union européenne continuent de verser les sommes promises — au compte-gouttes — donc il n’y a aucun problème à redouter du côté d’Athènes.

Vous voyez bien que les investisseurs frileux se font du souci pour rien…

▪ Tempo haussier
Il n’y avait donc aucune raison pour que la bourse de Paris n’entame pas cette semaine sur un tempo résolument haussier. Après tout, nous ne sommes plus à une perte de AAA près !

Le CAC 40 est parvenu à se hisser au-dessus des 3 871 points en clôture — c’était le niveau d’un précédent record annuel établi le 14 mars dernier. Avec un gain de 0,61% à 3 878,6 points, la semaine ne démarre pas si mal… sauf que les volumes sont dignes d’une demi-séance de fin d’année : 1,3 milliards d’euros échangés à 17h29 et 1,58 milliards d’euros au fixing.

Les actions progressent magnifiquement, certes, mais où sont les acheteurs ?

Les places européennes (+0,45% en moyenne) ont bénéficié de la bonne tenue des indices américains, qui enregistraient une hausse moyenne de 0,15%. Ils ont prolongé lundi soir l’une des plus longues séries haussières de l’histoire de Wall Street.

Pas de pause dans leur vague ascendante. Les indices US ont matérialisé lundi soir une cascade de nouveaux records historiques… ou au minimum vieux de 13 ans (pour le Nasdaq Composite ou le Nasdaq 100).

On compte 13 séances de hausse sur 15 pour le S&P 500, dont neuf gains d’affilée depuis début juillet (et +0,14% hier soir).

Le Dow Jones s’est hissé au-dessus des 15 500 points pour la deuxième fois cette année — mais il n’a pu s’y maintenir et en a terminé sur une timide avance de 0,13% à 15 484.

A noter, le cinquième record historique consécutif inscrit par le Russell 2000 (+0,6%) à 1 044 points… l’indice des mid caps américain semble comme emporté comme par un mouvement perpétuel à la hausse. Cela alors même que la courbe des profits des entreprises qui le composent s’inscrit à l’envers des cours de bourse depuis mars dernier.

Stagnant autour du point d’équilibre entre 15h30 et 19h30, le Nasdaq 100 s’est payé le luxe d’inscrire une 14ème séance de hausse d’affilée, grâce à un gain millimétré de 0,02%… Un record surréaliste vu le niveau des taux longs américains, qui restent voisins de 2,55% sur le 10 ans et 3,6% sur le 30 ans — ce dernier étant le taux que surveillent les acquéreurs de biens immobiliers.

▪ Pourquoi, pourquoi, pourquoi une telle hausse ?
Avons-nous besoin de préciser que personne ne se hasardait à expliquer la hausse du jour par les statistiques publiées dans la matinée aux Etats-Unis ? Si l’indice Empire State de la Fed a progressé de 7,84 vers 9,46 au mois de juillet (conformément aux prévisions), les ventes de détail du mois de juin ont clairement déçu.

Hors automobile, les ventes ont stagné (contre +0,3% le mois dernier). Hors carburants, elles régressent (-0,1%)… et le chiffre brut s’inscrit en progression de 0,4%, tout juste conforme aux attentes.

Alors sur quoi repose la hausse des indices américains si ce n’est plus le bas niveau des taux longs, ni la hausse des profits, ni la croissance ?

La Fed se retrouve prise au piège par le système dément de faux-monnayage qu’elle a conçu et qu’elle entretient — via la complicité de ses principaux actionnaires, les banques systémiques.

Faute de pouvoir sortir de cette stratégie expérimentale (on ne peut remettre le dentifrice dans le tube, expliquait Karl Otto Poehl à propos du risque inflationniste en Allemagne dans les années 80), la Fed et Wall Street n’ont d’autre issue que la fuite en avant. Cela oblige toute la gestion indicielle réplicative à payer aveuglément le marché.

Le jeu consiste pour les complices de la Fed à refourguer le maximum de papier au plus haut à tous les fonds gérés par des « robots crétins »… Cela avant qu’ils ne passent à leur tour vendeurs au même moment, chaque programmeur pensant être plus malin que son concurrent… et pouvoir sortir du marché quelques millièmes de secondes avant les autres.

Et ce moment vaudra des milliers de milliards de dollars, c’est pourquoi il est « inconnaissable » !

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