La Chronique Agora

2021 : les retail traders débarquent en Bourse

L’année 2021 aura été marquée par plusieurs changements majeurs sur le front boursier. L’un des premiers d’entre eux, par ordre chronologique, fut l’arrivée d’un grand nombre de nouveaux investisseurs particuliers sur les marchés.

Quelle époque vivons-nous ! Cette année, quasiment toutes les courbes des graphiques que je surveillais étaient soit verticales, soit horizontales. Il n’y a plus de place pour la demi-mesure. Tout, absolument tout, est monté en flèche à un moment ou un autre (voire à peu près tout du long de l’année), sauf les taux qui restent collés au plancher, ainsi que l’or et l’argent qui restent sages… pour le moment.

Bienvenue dans l’ère de la radicalité.

Un jour, dans quelques mois ou dans quelques années, nous regarderons dans le rétroviseur et nous nous demanderons : « Mais comment cela a-t-il été possible ? Comment avons-nous pu en arriver à de pareilles extravagances ? »

Comme nous l’avons fait après le krach de 2000… et à nouveau après la crise des subprime.

A la fois en vue de documenter cette période exceptionnelle et pour vous donner un aperçu de ses caractéristiques financières les plus extrêmes, je vous propose justement d’essayer de répondre à cette question.

Cela nous amènera à parler de gamification du trading, de meme stocks, de meme coins, de penny stocks et autres SPAC, mais surtout de tenter de situer la période que nous traversons parmi les différentes étapes d’une bulle d’actif.

Commençons, si vous le voulez bien, avec l’un des faits majeurs de l’année.

Le grand débarquement des investisseurs particuliers sur le front boursier

Pour vous donner un avant-goût de là où nous en sommes, sachez qu’au mois de février 2021, selon le classement Alexa de la fréquentation des sites internet, TradingView (classé 69e) est donc passé devant le site Pornhub (73e au classement).

Les volumes de recherche pour les questions liées au trading ont quant à elles explosé mi-2020, puis à nouveau au 1er trimestre 2021 :

Si bien qu’à la même époque, les opérations boursières des particuliers (en bleu sur le graphique ci-dessous) représentaient presque un volume équivalent à celles des fonds d’investissement (en rose) et des hedge funds (en bleu ciel et en vert) combinées.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Une histoire placée sous le signe de l’helicopter money

Récapitulons : depuis 2007, pour créer l’illusion de la croissance, de la prospérité et de la stabilité des marchés financiers, les plus grandes banques centrales ont injecté l’équivalent de 26 000 Mds $ dans le système financier, ce qui est une première aberration.

Longtemps réservé à ceux qui se trouvaient au plus près du robinet à liquidités via les opérations de quantitative easing et assimilées, l’argent frais tombe désormais directement sur les particuliers par voie d’hélicoptère. Je fais bien sûr ici référence aux chèques successifs qu’ont reçus les citoyens US en 2020 et 2021.

Grâce à ce type de mesures (et à d’autres), nous avons ici affaire à la seule crise économique de l’Histoire au cours de laquelle le pouvoir d’achat des ménages a augmenté, aux Etats-Unis comme en France, ce qui est une deuxième aberration.

Les Etats-Unis ayant soudainement mis le bras entier dans l’engrenage de l’Etat nounou à la française à la faveur du Covid, une bonne partie de cet argent tombé du ciel a fini… sur les marchés financiers.

C’est en particulier le cas chez les moins de 55 ans, 66% du total des concernés sans considération d’âge ayant moins de… 12 mois d’expérience en matière d’investissement, selon un sondage de Deutsche Bank.

Après les professionnels des marchés financiers, c’est donc au tour des particuliers d’être noyés sous des torrents de liquidités.

Pour que tout le monde se mette à trader, il faut bien sûr de l’argent. Mais cela ne suffit pas. Il faut également une architecture accessible, démocratisée.

Ce problème est désormais réglé.

Robinhood : démocratisation des frais et gamification du trading

Le grand déferlement des particuliers US en Bourse a débuté avec l’explosion en 2020 de la popularité de Robinhood, la plateforme de trading qui prétend démocratiser les marchés financiers en réduisant les frais au maximum.

29 janvier 2021 : « Ces mouvements de marché ont captivé les investisseurs particuliers comme jamais auparavant. C’est 1999 qui revient. Voici les applications les plus téléchargées sur l’Apple Store en ce moment… »

Créée en 2013 et visant en particulier les millenials, Robinhood compte désormais 31 millions d’utilisateurs particuliers.

Cette plateforme a doublement révolutionné le secteur.

Elle a non seulement permis à ses clients de trader totalement gratuitement, mais elle a transformé l’expérience client en la rendant proche non pas du casino (un truc de boomers), mais du jeu vidéo.

Rappelons au passage que la société a été condamnée en décembre 2019 à une amende de 1,25 M$ pour avoir perçu d’énormes rétrocommissions sur les titres vendus sur sa plateforme. Elle annihile ainsi l’argument selon lequel elle proposait les frais les plus minimes du marché, et validant une fois de plus l’adage selon lequel « Si c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit ! »

Combinez quelques chèques gouvernementaux délivrés par voie d’helicopter money et ce genre de plateforme, et vous obtenez la recette qui a permis de faire en sorte qu’en février 2021, les volumes échangés en Bourse par les particuliers américains se sont trouvés multipliés par 10, par rapport à seulement deux ans plus tôt !

Et, bien sûr, dans ce public, on trouve de tout… et surtout de n’importe quoi, comme nous le verrons dans un prochain billet.

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