La Chronique Agora

2021 : de Dogecoin à Squid game, l’avènement des meme coins

Dogecoin Shiba Inu

Si les actions de sociétés au bord de la faillite se sont envolées cette année, elles ne sont pas les seules : des cryptomonnaies allant de la blague à la plus pure arnaque ont vu leur cours exploser… parfois de centaines de pourcents en quelques heures.

L’année 2021 a consacré l’avènement de la chasse en meute sur les meme stocks, ces actions popularisées sur les plateformes de discussion en ligne comme Reddit. Mais ce n’est pas tout. Du Dogecoin au jeton Squid Game en passant par le Shiba Inu et le Floki, 2021 a aussi été l’année où le nihilisme est devenu un actif financier.

Dogecoin (DOGE) : l’anti-Bitcoin

Vous avez probablement entendu parler du Dogecoin (DOGE), ce crypto-actif créé en décembre 2013, lors du pic de popularité du meme Doge, basé sur un chien de la race d’origine japonaise shiba inu sur lequel est ajouté du texte censé représenter ce à quoi le toutou pense.

Présenté dès le départ comme l’anti-Bitcoin, c’est-à-dire comme une blague visant à se moquer des cryptomonnaies qui poussaient alors comme des champignons, ce crypto-actif assume le fait de ne disposer d’aucune qualité intrinsèque. Il n’était, selon son créateur, rien de plus que le premier à avoir capitalisé sur la vague d’intérêt suscitée par ce genre de blague.

Pourtant, sa performance a dépassé cette année les 15 700% en quelques mois, partant de 0,47 cents (ou 0,0047 $) le 1er janvier pour atteindre les 74 cents à son sommet, le 8 mai. A titre de comparaison, la performance totale du S&P 500 (dividendes compris) depuis le 1er janvier 1991 n’a atteint qu’environ 1 300%, seulement.

Cours du DOGE en dollars de sa création, en 2013, au 17 décembre 2021

Le 8 mai 2021, au plus haut de sa forme, la capitalisation du Dogecoin avait passé la barre des 90 Mds$. Cela a permis au chouchou des influenceurs et des réseaux sociaux, créé par le programmer américain Billy Markus, de rejoindre la 3e place du classement des cryptomonnaies en termes de capitalisation, se plaçant derrière le Bitcoin et l’Ethereum, et générant une nouvelle vague de meme.

Si l’on envisage les choses du point de vue des actions, la capitalisation du crypto-toutou était alors supérieure à celle de 408 sociétés listées sur le S&P 500, ainsi que la capitalisation combinée de Newmont Mining (la plus grande société d’exploitation minière aurifère au monde) et Barrick Gold.

Les vieux routiers de la Bourse se diront peut-être que cela a des airs de 1999. En réalité, on se situe bien au-delà :

21 avril 2021 : « Le Dogecoin n’est pas le premier instrument financier sans valeur que j’ai vu atteindre des sommet – c’est aussi arrivé aux dot-com au début de ma carrière –, mais c’est le premier actif conçu intentionnellement pour n’avoir aucune valeur. »

27 juillet 2021 : « Lorsque nous regarderons dans le rétroviseur d’ici quelques années, nous serons probablement tous d’accord pour dire qu’il était impossible de repérer le sommet. »

Nous avons donc affaire ici à un actif dépourvu de valeur intrinsèque… qui a pourtant « atteint la lune », comme on dit dans le monde des crypto-actifs.

Pour un temps en tout cas, puisque la valeur du Dogecoin n’est plus aujourd’hui que d’un peu moins de 25% de ce qu’elle était à son sommet.

L’histoire ne s’arrête cependant pas là, puisque d’autres crypto-toutous ont naturellement pris la suite !

Shiba Inu (SHIB) : le « dogecoin killer »

Le Shiba Inu (SHIB), un autre altcoin à l’effigie de la race canine d’origine japonaise, a été créé en août 2020 par un programmeur répondant au pseudonyme de Ryoshi.

Se présentant elle-même comme le « dogecoin killer » (celle qui allait remplacer le Dogecoin dans le cœur des fans), cette nouvelle crypto meme, cette fois-ci décentralisée, a explosé en octobre 2021, un peu plus d’un an après sa création. D’un cours de 0,00000721 $ le 1er du mois, elle atteignait son sommet à 0,00008854 $ (vous remarquerez la disparition d’un zéro) le 28 octobre, enregistrant plus de 1 100% de performance lors de ce rally, avant de se mettre à descendre en direction de la cave.

Cours du SHIB entre sa création, en août 2020, et le 17 décembre 2021

Evidemment, on retrouve comme pour Dogecoin un certain Elon Musk à la manœuvre, ce génie absolu ayant manifestement pour passe-temps de se distraire avec les crypto-toutous. Que voulez-vous, il faut bien se détendre lorsque l’on est à la tête de la plus grande fortune mondiale…

On a cette fois-ci affaire à chien se présentant comme l’anti-chien qui se présente lui-même comme l’anti-Bitcoin (vous suivez ?), chacun étant monté à son tour « to the moon », pour reprendre l’expression consacrée des valeurs qui explosent à la hausse.

L’année 2021 des cryptos résumée en une image

Floki Inu (FLOKI) : un crypto-toutou pour mettre tout le monde d’accord ?

Pour être complet, il me faut également évoquer le Floki Inu, un altcoin créé au mois de juillet 2021 en hommage au chien éponyme d’Elon Musk

… l’entrepreneur possédant effectivement un shiba inu. Le chien comme l’altcoin se portaient comme des charmes jusqu’à début novembre… avant que le jeton ne s’effondre comme ses prédécesseurs.

Cours du FLOKI entre sa création, le 10 juillet 2021, et le 17 décembre 2021

Là aussi, les heureux investisseurs qui se sont positionnés au bon moment et ont eu le nez de sortir au sommet auraient pu en retirer un bon pactole, avec un gain de 453% entre le bas du 26 octobre et le sommet du 4 novembre.

Squid Game coin : lorsqu’il suffit d’acheter au petit-déjeuner et de vendre à midi pour devenir riche

Je passe très rapidement sur la dernière crypto meme (ou plutôt crypto arnaque, à ce niveau) en date, j’ai nommé le jeton Squid Game (SQUID), créé fin octobre pour capitaliser sur la série éponyme sud-coréenne à succès.

Comme dans ce Battle Royale, il n’y a eu qu’un survivant à la fin de l’histoire : le développeur qui est parti avec la caisse le jour de la fête des morts, après que le token a enregistré une performance à six chiffres, quelques jours seulement après son lancement. Montant à 2 856,64 $ pendant un bref instant, les jetons Squid Game se trouvaient alors 178 000% plus haut que le cours auquel ils avaient été émis… avant de ne plus rien valoir, cinq minutes plus tard.

Evolution du cours du SQUID le 1er novembre 2021

Les plus optimistes d’entre vous noteront toutefois peut-être que ce jeton s’est ensuite relevé du trou dans lequel il était plongé, atteignant un nouveau sommet le 9 novembre à… 0,45 $ ! Avant, évidemment, de repartir à la baisse depuis.

Que voilà des excès symptomatiques de l’ère du temps, n’est-ce pas ?

1er novembre 2021 : CNBC : « Le milliardaire Warren Buffett révèle le ‘seul moyen facile’ d’augmenter votre richesse de 50 %. » Sven Henrich : « Acheter un shitcoin au petit-déjeuner et le vendre à midi ? »

En a-t-on fini avec les actions et les cryptos memes ?

Certainement pas.

Certes, les investisseurs particuliers ayant désormais moins d’argent de poche que cela n’était le cas au cours du premier trimestre 2021, on peut s’attendre à un relâchement sur ce genre d’aberrations.

Cependant, l’Etat fédéral comme les Américains semblent avoir pris goût à l‘helicopter money. Or, compte tenu de l’allure à laquelle Joe Biden enfile les plans de relance, rien n’indique que les investisseurs individuels vont manquer d’argent frais.

C’est ce que confirmait Natixis dans une note du 12 février :

« Il faut malheureusement s’attendre à la multiplication de ces situations. Avec la croissance extrêmement rapide de l’offre de monnaie, il est facile pour un groupe d’investisseurs de se coordonner pour acheter collectivement un actif financier en utilisant la liquidité massive disponible, et faire violemment monter son prix ; puis ces investisseurs revendent cet actif et son prix rechute. »

Bruno Bertez ajoutait quant à lui le 29 juillet dernier que :

« Les investisseurs particuliers ont mis au point une stratégie d’investissement unique en son genre, fondée sur une communauté en ligne croissante et de nouveaux outils d’investissement pour investir dans des valeurs plus petites et moins prisées, et pour défier encore davantage les investisseurs institutionnels. Voilà pourquoi, nous pensons que les actions memes sont faites pour durer. »

Le décor ainsi posé, il nous faudra maintenant donner du sens à ce que nous venons de voir dans les trois premiers épisodes de ce feuilleton : en effet, comment interpréter le grand débarquement des investisseurs particuliers sur le front boursier ?

Nous aurons l’occasion d’en parler dans mon prochain billet.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile