La Chronique Agora

2021 : comment interpréter l’arrivée du retail sur le front boursier ?

investissement retail trader

Les Bourses ont changé avec le débarquement des investisseurs particuliers (et inexpérimentés) dans un marché sans cesse haussier. Mais le glas risque de bientôt sonner pour ces traders amateurs.

Grâce aux chèques gouvernementaux délivrés par voie d’helicopter money et aux plateformes de trading comme Robinhood, l’année 2021 a enregistré le grand débarquement des investisseurs particuliers (retail) sur le front boursier. En février 2021, les volumes tradés par les particuliers américains se sont trouvés multipliés par 10… par rapport à seulement deux ans plus tôt !

Une nouvelle stratégie de trading est née : la chasse en meute via des plateformes de discussion dans une ambiance de guerre des générations, sans toujours savoir très bien ce que l’on fait… C’est ainsi que nous avons vu défiler des meme stocks comme GameStop, et des meme coins comme Dogecoin, Shiba Inu, Floki Inu ou encore le Squid Game coin.

Où ce phénomène unique en son genre se situe-t-il dans le cycle de vie de l’Everything Bubble, la grande « bulle de tout » qui ne cesse de gonfler depuis l’après-subprime (si tant est que l’on considère que la bulle des dot-com ait jamais fini de se dégonfler) ?

Attention au « grand coup d’accordéon »

C’est Bruno Bertez qui me semble apporter la meilleure explication dans un article en date du 29 juillet 2021 :

« Les vieux boursiers comme moi attendaient, pour être sûrs de la fin, que le retail, l’investisseur individuel, le pigeon, se mette all-in en actions. All-in, cela veut dire à fond, entièrement, jusqu’au cou.

Après 12 années, ce moment est enfin arrivé : le retail est au rendez-vous. Lisez les journaux, discutez avec les gens, regardez le phénomène Robinhood, les niveaux record du sentiment des investisseurs, la dette sur marge et l’indicateur Buffett. Tout y est, rien n’y manque puisque ce jour on introduit en Bourse le dernier maillon de la chaîne de la ruée vers l’or : Robinhood.

Les valorisations actuelles, c’est-à-dire les prix, sont si extrêmes que l’extrême précédent de la bulle Internet de 2000 semble désormais modeste en comparaison. »

Au 27 octobre 2021, l’indicateur de Warren Buffett (capitalisation boursière/PIB) se montait à 209,1% du PIB américain, loin devant le plus-haut de 2000

Et le chroniqueur de poursuivre :

« Les conseillers financiers recommandent aux petits épargnants de déplacer leur modeste pécule des obligations sûres vers les actions go-go.

C’est un signe qui n’a jamais trompé. Lorsque des étudiants de 20 ans font du trading sur la base des conseils d’un ami ‘génial’ de 22 ans, c’est qu’on y est ! On parle beaucoup d’actions meme, c’est l’innovation de la période, la marque distinctive de la folie bullaire. »

Et Bruno Bertez de remettre les choses en perspective avec le recul qui est le sien :

« La spéculation repose sur une croyance, sur une religion laïque : la Fed ne peut plus laisser tomber les cours de Bourse, elle est condamnée à toujours les soutenir, sinon le système saute. Il suffit d’acheter ce qui est chaud, et les millions s’accumulent tout seuls. Rien d’autre n’a d’importance. Chaque génération qui connaît une manie spéculative se sent unique. C’est le schéma qui se répète. […]

Wall Street attendait patiemment que le retail se manifeste, c’est fait, il est là. C’est une escroquerie, cynique qui consiste à fabriquer un momentum, à instiller une croyance euphorique que les actions ne font que monter et ensuite à servir la demande, à distribuer aux futurs malheureux perdants.

Robinhood devient public, c’est pour moi la dernière touche du scénario du grand coup d’accordéon. […] ils ignorent l’Histoire. Leur référence c’est le présent, c’est hier. […]

La hausse des Bourses est une conséquence voulue, c’est un dégât collatéral des actions qui sont menées pour soutenir le système. Ils savent que son coût va être supporté par le public, venu si tardivement se faire ‘tarter’ sur les marchés, mais qu’importe car le risque aura été disséminé. Les gros acteurs systémiques eux, auront vendu ou se seront couverts. Le public, lui se retrouvera avec le Mistigri.

Ce sera, un jour, le grand coup d’accordéon, celui qui va ratisser le public et lui prélever tout l’argent excédentaire qui a été créé depuis… 2009. L’argent du public ira au Paradis de la Monnaie. »

Je partage ce point de vue.

Les particuliers avancent vers le gouffre

Il n’en reste pas moins qu’à l’heure où j’écris ces lignes, les marchés continuent leur ascension en direction du grand trou noir, même après de brefs moments de baisse vite compensés.

Le comportement du retail ne cesse de se radicaliser, avec désormais des investisseurs particuliers qui parient jusqu’à leur propre chemise sur l’économie de demain.

8 novembre 2021 : « Les propriétaires hypothèquent leur maison à un rythme jamais vu depuis la crise financière. Beaucoup utilisent cet argent pour des rénovations, d’autres pour acheter des actions. »

Lorsque tout est au plus haut, M. Toutlemonde a une fâcheuse tendance à sentir pousser des ailes.

Comme l’écrivait Charlie Bilello sur Twitter le 28 septembre 2021 :

« Le boom immobilier se poursuit, les prix des logements aux Etats-Unis atteignant à nouveau des sommets historiques, avec une hausse de 19,7% au cours de l’année écoulée. Il s’agit du taux d’augmentation annuel le plus élevé jamais enregistré. »

1er novembre 2021 : « Le Dow atteint 36 000 pour la première fois, 21 ans après la publication du livre Le Dow à 36 000 en 1999. »

Comme l’écrivait Bruno Bertez le 6 novembre :

« Dow Jones à 36 000 : nous avons fait un pas de plus vers le gouffre. […] C’est vous qui serez fracassés quand l’heure viendra. »

On se demande combien de temps cette dernière étape de la crise est susceptible de durer, tant les marchés actions semblent invulnérables…

C’est justement ce dont je vous parlerai dans mon prochain billet.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile