La Chronique Agora

Quelles options pour le Japon ?

« Pendant que les banques centrales imprimaient de l’argent, j’achetais de l’or »

Bonjour,

 

▪ Le monde semble retenir sa respiration. Les gens regardent en boucle les images du tremblement de terre… du tsunami… des réacteurs nucléaires.

A la Chronique Agora, nous avions prédit un effondrement au Japon — mais pas de cette sorte !

En janvier, les voyants et les prévisionnistes nous ont donné leurs prédictions pour l’année à venir. Nous voilà en mars, et nous avons déjà vu deux événements majeurs que personne n’avait vus venir.

D’abord, le monde arabe a explosé. A présent, les déflagrations se produisent dans la partie la moins explosive du monde — le Japon.

Les actions japonaises sont en chute libre. Elles étaient bon marché quand nous les avons recommandées il y a quelques semaines… elles sont encore meilleur marché aujourd’hui.

Peut-être qu’une sorte de point de bascule a été atteint.

Le Japon subit un désastre commis par la main de l’homme depuis 20 ans. C’est une forme longue, lente et douloureuse de suicide économique national. Il est temps d’accélérer le processus.

Autrefois, les banques centrales étaient chargées de maintenir l’intégrité de la devise nationale. Puis on leur donna petit à petit de nouvelles missions. On leur demanda de maintenir le plein emploi. Puis Ben Bernanke, dans le cas de la Fed, prit l’initiative de stimuler les prix des actions. Une hausse boursière encouragerait les gens à dépenser et investir, pensait-il.

A présent, la Banque centrale japonaise va un pas plus loin. Elle joue un rôle clé dans la lutte contre les tremblements de terre — comme la Croix-Rouge ou l’armée.

Et elle y va à fond. Non seulement elle injecte des fonds d’urgence dans l’économie, mais elle augmente aussi son propre programme d’assouplissement quantitatif.

Que peut-elle faire d’autre ? Elle faisait déjà tout ce qu’elle pouvait. La Bank of Japan est « au taux zéro » depuis ces 15 dernières années — c’est-à-dire qu’elle a prêté de l’argent aussi bon marché que possible. Si les politiques monétaires étaient un pantalon, il serait autour des chevilles japonaises. Et qu’en est-il de la politique budgétaire ? Le pays a déjà 20 $ de dette pour chaque dollar de recettes fiscales. Que reste-t-il ? 30 $, sans doute — ou la faillite !

Il y a aussi les relances non-conventionnelles. Eh oui… la bonne vieille planche à billets… qui chauffe et chauffe encore.

En avant !

▪ Les Japonais ont le dos remarquablement solide. Ils portent plus de deux décennies de programmes de relance contre-cyclique… et une dette gouvernementale représentant désormais 200% du PIB.

Ils auront tout vu. Les Japonais ont confié au gouvernement l’argent de leur retraite — et le gouvernement l’a promptement dépensé. Pourtant, les acheteurs obligataires semblent n’avoir pas retenu la leçon. Ils prêtent encore au gouvernement japonais à un rendement de moins de 2%.

Et voilà que les anciens commencent à désépargner. C’est-à-dire qu’après avoir tant économisé pour leur retraite, ils sont à la retraite. Ils puisent donc dans leur épargne.

Voilà qui met le gouvernement japonais dans le pétrin. L’épargne nette au Japon est désormais négative. Qui achètera les obligations dont le Japon a besoin pour reconstruire son économie ? Qui achètera les obligations dont le Japon a besoin pour reconstruire ses infrastructures ? Qui achètera les obligations dont le Japon a besoin pour financer son gouvernement ? Qui achètera les obligations que le Japon a besoin de vendre pour rembourser les gens qui ont acheté des obligations l’an dernier… et l’année précédente… et ainsi de suite jusqu’en 1990 ?

La réponse sera probablement : personne.

Le Japon sera plutôt contraint à un nouvel assouplissement quantitatif, forcé d’imprimer des devises pour compenser l’argent qu’il ne peut plus emprunter.

Cela aura quelques effets secondaires. Premièrement, les Japonais ont joliment aidé l’Europe et les Etats-Unis à financer leurs déficits et leurs renflouages. Récemment, le Japon a financé une grande partie des ventes obligataires européennes — contribuant à maintenir les taux bas. Et la dernière fois que nous avons vérifié, le Japon avait le plus gros tas d’obligations américaines au monde.

Puisqu’il est obligé de rapatrier des fonds, on peut s’attendre à ce que le Japon fasse quelques ventes — cela pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Deuxièmement, les Japonais font un gâchis si évident de leurs finances qu’ils ne peuvent qu’attirer l’attention. Les investisseurs pourraient ensuite remarquer que les Japonais ne sont pas les seuls. Comme nous l’avons déjà souligné, les économies développées comptent désormais toutes sur des taux d’intérêt bas, des déficits gigantesques et l’argent de la planche à billets. Même avec de gigantesques ajouts de cash et de crédit, l’économie mondiale peine à avancer. Sans ces lubrifiants, elle reculera sans doute.

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Du Japon au Moyen-Orient, la pénurie de pétrole est bien là

Byron King

 

▪ La chute des cours du pétrole en réaction au séisme japonais n’est qu’une péripétie passagère. Le prix du pétrole est en hausse parce que beaucoup de pays augmentent non seulement leur demande mais aussi leurs réserves de pétrole — du fait de l’incertitude de l’approvisionnement au Proche et Moyen-Orient.

Aux Philippines, par exemple, le gouvernement a récemment demandé aux raffineurs de constituer des réserves pour 90 jours au lieu des 30 jours habituels. D’autres pays et entreprises grandes consommatrices de pétrole agissent de même pour ce qui est de constituer leurs stocks de pétrole.

Alors, quelle information prend le dessus sur l’autre ? La hausse généralisée de la demande de pétrole maintient-elle une augmentation des prix ? Ou bien des événements imprévus continuent-ils à enrayer cette hausse de la demande de pétrole et empêchent les prix d’augmenter ?

La vérité est que cette baisse brutale des cours du pétrole en réaction au séisme japonais est vraisemblablement un phénomène court terme. Il y a une forte dynamique à la hausse des prix du pétrole, attribuable aux problèmes fondamentaux d’approvisionnement — les troubles politiques au Moyen-Orient n’en sont pas les moindres. Nous pourrions assister à une rapide remontée des prix du pétrole due aux inquiétudes concernant la production.

Selon Wang Qingyun, directeur du State Bureau of Material Reserves, la Chine ne dispose que de réserves stratégiques de pétrole équivalentes à 30 jours de consommation. M. Wang affirme que l’objectif de la Chine est de constituer des réserves stratégiques pour 90 jours mais les bureaucrates du ministère de l’énergie travaillent encore à choisir les lieux de stockage et à construire les infrastructures.

La disponibilité et la tarification du pétrole est certainement une source d’inquiétude grandissante pour la Chine, dont les importations quotidiennes de pétrole dépassent celles des Etats-Unis en termes de part de la consommation totale. Aujourd’hui la Chine importe environ 63% de sa consommation quotidienne de pétrole — le double du pourcentage d’il y a dix ans.

A mesure que la consommation de la Chine augmente, la perspective d’un prix du pétrole « élevé de façon permanente » augmente, elle aussi. Cela signifie que les investissements en dollar continueront à affluer dans le secteur de l’exploration pétrolière.

Ainsi, ces cinq dernières années nous avons vu environ 100 nouvelles plates-formes auto-élévatrices et navires de forage en eaux profondes sortir des chantiers navals du monde entier. Ces navires représentent plus de 40 milliards de dollars en investissements nouveaux. En outre, il y a l’effet multiplicateur des navires nouvellement construits sur les commerçants, les constructeurs d’équipements, les aciéries et jusqu’aux mines de fer.

▪ Entre temps, une frénésie d’embauches a lieu chez Halliburton. L’entreprise vient d’annoncer qu’elle recrutera près de 5 000 nouveaux géologues et ingénieurs dans le monde entier. Flûte ! Même moi, je réponds couramment à des annonces de chercheurs de tête en quête de géologues.

Tout cela semble être des nouvelles d’investissement très positives pour l’industrie pétrolière. Mais il faut tenir compte d’autres éléments également. Quel est le bénéfice de tous ces investissements et embauches ? Assistons-nous à un « retour en énergie » pour tous ces nouveaux investissements ?

Comparons certains chiffres récents. Entre 1995 et 2004, l’industrie pétrolière a globalement dépensé 2 400 milliards de dollars dans diverses dépenses d’investissement. Ces 2 400 milliards ont permis d’augmenter la production de pétrole brut de 12,3 millions de barils par jour à près de 85 millions de barils par jour en 2005 (gardez ces chiffres en tête). Ce ne sont là que des données historiques, brutes.

Coïncidence, entre 2005 et 2010, l’industrie pétrolière mondiale a dépensé en investissement 2 400 milliards de dollars supplémentaires. Cependant, pour le même montant — 2 400 milliards de dollars — la production mondiale de pétrole brut a en réalité diminué d’environ 0,5%. Qu’est-ce que cela signifie ?

Naturellement, il existe de nombreuses répercussions mais un point essentiel est que l’offre mondiale quotidienne de pétrole n’augmente pas. Concernant toutes les histoires que vous pouvez entendre à propos de « nouvelles » sources d’approvisionnement, de mises en service à partir de champs en eaux profondes, de découvertes on shore , de l’accroissement du pétrole récupéré, de sables pétrolifères, des hydrocarbures liquides extraits de gisements de tight gas, etc., ceux-ci ne font que remplacer les autres sources d’approvisionnement en pétrole qui disparaissent en s’amenuisant.

Il est juste de dire que la production de pétrole mondiale est stationnaire et que les prix ne sont pas réellement établis ou régulés par l’efficience, la conservation ni même par l’ajout de capacité.

Non, le contrôle clé sur les prix du pétrole ces deux dernières années a été la récession. C’est la récession qui a fixé les prix du pétrole. Sans la récession, le monde aurait pu consommer plus de 93 millions de barils par jour… et aurait pu payer des prix beaucoup plus élevés que 100 $ le baril.

Quoi qu’il adviendra de l’économie mondiale, nous sommes dans un environnement où l’offre est limitée. Nous n’allons pas trouver de « nouvelle » Arabie Saoudite ni de « nouvelle » Russie — même s’il est bon de se tenir au courant de ce qui se passe au large du Brésil.

Le Peak Oil est bien là, excepté qu’en ce moment même nous le subissons uniquement comme un problème de pouvoir d’achat (un baril à plus de 100 $), plutôt que comme un manque d’approvisionnement au jour le jour.

Au final — peut-être — l’économie mondiale commencera à sortir de la récession. Et peut-être connaîtrons-nous même une période sans crises internationales (on pense au Moyen-Orient) ou sans catastrophes naturelles à grande échelle. Ensuite, nous verrons à quoi ressemblent vraiment les limites de l’offre — et les prix grimperont en flèche.

Comment réagir à tout cela ? D’abord, il faut commencer par investir dans des entreprises qui détiennent de vrais actifs sous forme de pétrole et de gaz naturel, d’uranium et autres ressources de valeur — or, argent-métal, etc. Là, et dans les acteurs énergie-technologie du secteur des services pétroliers– les suspects habituels que sont Schlumberger, Baker Hughes et Halliburton.

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Vers le pire mois de mars de l’histoire du CAC 40 ?

Philippe Béchade

 

▪ La spirale du malheur qui s’abat sur le Japon est digne du scénario du film catastrophe 2012 sorti l’an passé. Si ça commence à trembler du côté du Yellowstone et de la Californie, on pourra se demander si les puissances infernales qui agitent le noyau de métal en fusion de notre planète n’ont pas téléchargé le film de Roland Emmerich et se sont senties mises au défi d’en faire autant.

Les scénaristes de 2012 avaient d’ailleurs oublié de mettre en scène des explosions de centrales nucléaires. Ils avaient sans doute jugé que la dislocation de la croûte terrestre, c’était déjà assez pour semer l’effroi chez les spectateurs.

Imaginons que des satellites filmant la terre au cours des trois prochains millions d’années accéléraient leurs images pour en faire une vidéo qui dure une minute trente. Nous pourrions voir le Japon, la Nouvelle-Zélande, l’Indonésie et le Kamtchatka se déformer et dériver le long de la grande fracture tectonique qui borde le Pacifique du pôle Nord au pôle Sud.

Pour l’heure, c’est le Japon qui détient le record mondial de sismicité touchant une zone habitée.

Si certains d’entre vous ont traversé l’Islande, peut-être êtes-vous passé au pied de la « montage qui se secoue comme un chien qui sort du torrent ». Cela tremble plus souvent qu’à Tokyo… mais personne n’a eu l’idée de construire quoi que ce soit dans cette région désolée de l’intérieur des terres, où le sol menace de s’ouvrir à tout moment.

Le séisme du 11 mars fait partie des soubresauts habituels de l’écorce terrestre — songez que le fond de la mer s’est retrouvé propulsé à 8 800 mètres au sommet du mont Everest. Il n’annonce pas une fin du monde façon 2012.

▪ Pour le Japon en revanche, il est peut-être annonciateur de la fin d’une époque. Le pays était exsangue financièrement depuis le krach de 1990 et voici que survient la catastrophe de trop.

Elle débouche non seulement sur un bilan humain effrayant et des destructions déjà estimées à plus de 200 milliards de dollars (c’est-à-dire au bas mot deux fois le coût engendré par le tremblement de terre de Kobe). Mais également sur une potentielle pollution nucléaire de grande ampleur.

Il s’agit du deuxième plus grave accident de la filière civile de l’énergie atomique depuis les années 50.

De façon très concrète, le Japon va être privé pendant des mois d’une partie non négligeable de ses capacités énergétiques (entre 10% et 20%). Tout cela sans compter qu’une région représentant 8% du PIB du pays vient de s’arrêter net pour au minimum un semestre (à cause du déblayage) et probablement pour deux à trois ans afin de reconstruire les zones urbaines, les exploitations agricole et les usines.

Cela va probablement ralentir le rythme des échanges bilatéraux avec la Chine, partenaire privilégié qui se retrouve le plus exposé au chaos industriel engendré par la catastrophe. Un scénario de récession se dessine pour l’Asie.

Plus globalement, les coûts de financements colossaux auquel le Japon va devoir faire face pourraient contraindre le gouvernement japonais à puiser dans les 900 milliards de dollars de bons du Trésor américain.

▪ Nous voici face à une redoutable alternative. Soit les ventes d’actifs font chuter le marché obligataire américain à des niveaux qui impactent lourdement Wall Street (en particulier le Nasdaq)… soit le Japon ne vend pas ses T-Bonds mais vient ponctionner des dizaines de milliards de dollars sur les marchés sous forme d’émissions d’emprunts. Cette deuxième solution ferait du Japon un concurrent sévère vis-à-vis des Etats-Unis (le plus gros emprunteur) ou des PIGS de la Zone euro.

Mais avec un taux d’endettement qui bondirait au-delà des 250%, à quel taux des pays excédentaires en capitaux comme la Chine ou l’Arabie accepteraient-ils de prêter au Japon ?

La chute de 18% de la Bourse du Nikkei en 48 heures (l’équivalent de 500 milliards d’euros) ne s’explique pas seulement par la peur de la contamination radioactive. Le manque de confiance des créanciers étrangers constitue une menace économique au moins aussi angoissante.

▪ Après l’effervescence des premières heures de cotation en Europe, la pression baissière était intense à Wall Street en début séance. Mais les indices américains échappent pour l’instant au scénario de vent de panique (nucléaire) qui s’est matérialisé à Paris, avec un plongeon de 4,2%, ou à Francfort (-5%).

Wall Street, qui avait rouvert en baisse de 2%, a limité la casse. Le Dow Jones chute de moins de 0,8% (quatre fois moins que le CAC 40) vers 11 900 points.

Soulignons que les indices américains n’avaient jusqu’ici rien perdu depuis jeudi dernier, malgré la catastrophe japonaise survenue vendredi matin. Cela en tenant compte de la hausse de 0,7% vendredi puis de l’effritement de 0,6% survenu lundi soir.

Conforté par la résilience de Wall Street, le CAC 40 a tenté — en vain — de sauver les 3 800 points (base du canal haussier moyen terme) en fin de séance.

L’exploit semblait à portée de main après une belle remontée de 3 720 points (-4,2%) jusque vers 3 798 points (les niveaux d’ouverture). Mais une dernière vague de ventes de précaution a plombé l’indice au moment du fixing.

La séance se termine sur une lourde chute de 2,5%, avec 100% des titres du SBF 120 (sauf EDF Energies Nouvelles) en repli, dans des volumes record : plus de 7,5 milliards d’euros sur le CAC 40, et 8,5 milliards d’euros sur le SRD.

Le mois de mars ressort pour l’heure négatif de 8%, ce qui est équivalent à la perte de mai 2010. Si aucun rebond ne s’avère durable, la « journée des Quatre sorcières » pourrait consacrer vendredi) le pire mois de mars depuis que le CAC 40 existe.

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« Pendant que les banques centrales imprimaient de l’argent, j’achetais de l’or »

Simone Wapler

 

▪ Que direz-vous lorsque vous allez raconter à vos petits-enfants la plus grave crise mondiale depuis 1929 ? Vous leur direz : « je n’étais pas spécialement intelligent. Je me contentais d’acheter de l’or à chaque fois qu’une Banque centrale annonçait imprimer de la monnaie ».

Depuis le mois dernier, l’once a gagné 5% en dollar et 4% en euro. Le pétrole, lui, a progressé de près de 17% ! Reprenons la chronologie des événements récents pour mettre cela en perspective. La Tunisie s’enflamme pour cause de hausse des prix alimentaires. Les troubles se propagent à la Libye voisine. Le pétrole flambe.

Ben Bernanke, patron de la Fed américaine, membre éminent du cartel des taux bas et faux-monnayeur en dollar affirme que l’impression de dollars n’est pour rien dans tout cela. Les produits agricoles ? Il ne fait pas la pluie et le beau temps météorologique. La cause de la hausse est là, uniquement là et pas ailleurs. Le pétrole ? C’est une spéculation qui ne durera pas, l’Arabie Saoudite comblera sans problème un déficit passager. L’inflation qui pourrait en résulter ? Juste un mauvais moment à passer. Là aussi, les calculs officiels montrent qu’on ne doit pas s’inquiéter. L’inflation hors alimentation et énergie reste raisonnable. Comme vous le savez, l’avenir appartient aux esprits purs, pas aux matérialistes qui veulent se nourrir et se chauffer.

Notre ami Ben va rester fidèle à sa ligne : pas de hausse des taux, puisque pas d’inflation. Avouez que c’est très logique.

Jean-Claude Trichet, patron de la BCE, membre éminent du cartel des taux bas et faux-monnayeur en euro, affirme qu’il va combattre l’inflation comme le veut sa mission. Il va oser un mouvement effroyablement audacieux : il augmentera ses taux de 0,25% en avril. Oui : vous avez bien lu, 0,25%. C’est très sérieux. L’inflation n’a qu’à bien se tenir.

En trois mois, l’indice RICI des matières première a augmenté de 9,8%, l’indice CRB des matières premières de 4%. Mais comme vous le savez, nous résidons dans un pays d’esprits purs, notre économie repose sur les services, pas sur les matières premières. Ça tombe bien, les chômeurs sont légion et donc la matière grise pas chère. Ceci compensant cela, l’inflation est très faible.

Notre ami Jean-Claude va rester fidèle à sa ligne : pour rassurer les Allemands (il ne faudrait pas qu’ils sortent de l’euro !) il prétend donc arrêter la charge de l’éléphant inflation avec une tapette à mouche.

▪ La hausse du pétrole va freiner toute croissance saine résiduelle
La croyance populaire veut que nous absorbions très bien les chocs pétroliers car notre économie du service et de la matière grise n’est pas dépendante de choses aussi triviales que les matières premières et l’alimentation. Voyons un peu ces allégations à la lumière des chocs pétroliers précédents.

D’après la Barclays, une hausse des prix de 10% coûte 0,5% de PIB. Nous en sommes à 17%.

D’après le Crédit Agricole, dès que le ratio mondial dépenses pétrolières/PIB dépasse 4%, le PIB s’ajuste brutalement pour revenir à 3%. 10 des 11 récessions américaines depuis la Deuxième Guerre mondiale ont été précédées d’un choc pétrolier.

D’après le Wall Street Journal, lorsque le cours du baril augmente violemment (10% en moins d’une semaine), les marchés actions connaissent une correction de 9% en moyenne six mois plus tard.

Les analystes de Citigroup ont calculé que durant les six derniers chocs pétroliers (1986, 1990, 1996, 1998, 2001, 2008) durant lesquels les cours ont doublé, les valeurs du transport aérien et du tourisme ont cédé 12%.

Les analystes de Deutsche Bank estiment que si le Brent atteint 150 $ le baril, la croissance mondiale prévue à 4,2% retomberait à 2,2%.

Les analystes d’Oddo pensent que le prix à la pompe pourrait faire baisser de 1% le trafic des véhicules légers ce qui pourrait faire reculer de 20% les valeurs liées au secteur de l’automobile.

Vous voyez, je ne suis pas la seule à être sombre. Pendant cela, les traders s’en donnent à coeur joie avec les dollars imprimés par Ben et les positions nettes acheteuses sur le WTI ont bondi de 27% sur la première semaine de mars.

Que va-t-il rester lorsque l’économie mondiale va freiner ?
Que va-t-on apercevoir lorsque l’illusion de richesse acquise à coup de fausse monnaie aura disparue avec le recul des marchés actions ? Une montagne de dettes souveraines, des déficits béants qui ne pourront être comblés faute de croissance.

Ils ne pourront jamais rembourser. JAMAIS.

Pas convaincu ? Passons au sujet qui fâche vraiment : les recettes fiscales. Nos doctes économistes (majoritairement keynésiens mais quand même inquiets) dissertent sur le fait de savoir quel est le ratio dette/production de richesse (PIB) acceptable pour un pays. Raisonnement parfaitement fallacieux.

Comme le note Dylan Grice, économiste de la Société Générale, tout dépend du taux d’intérêt. Le taux d’intérêt moyen depuis la Seconde Guerre mondiale est de 6,9%. Vous avez remarqué, dès que les rendements dépassent le taux moyen, les pays appellent le FMI au secours : Islande, Grèce, Irlande et bientôt Portugal puis Espagne.

En France, si les taux atteignaient 5,5%, l’Etat devrait trouver 63 milliards d’euros supplémentaires. Doubler l’impôt sur le revenu ne suffirait pas. Et comme les recettes de TVA seraient en baisse pour cause de retour en récession, il ne faudra pas compter sur ces rentrées.

Rassurez-vous (la misère partagée est plus supportable), aux Etats-Unis, ce n’est pas mieux. Chez nous comme chez eux plus d’un tiers des recettes fiscales seraient englouties dans le paiement des intérêts de la dette.

Quelle solution restera-t-il à messieurs Ben Bernanke et Jean-Claude Trichet ? Imprimer, encore, et encore et encore…

Souvenez-vous : « je n’étais pas spécialement intelligent. Je n’avais pas de diplôme d’économie. Je me contentais seulement d’acheter de l’or à chaque fois qu’une Banque centrale annonçait imprimer de la monnaie ».

[Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Elle est rédactrice en chef du magazine MoneyWeek, et analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances. Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières, Simone Wapler est passionnée par les investissements « tangibles » et c’est ce qu’elle met chaque semaine au service des abonnés de L’Investisseur Or & Matières, dont cet article est extrait.]

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(©) Les Publications Agora France, 2002-2011

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