Le modèle de ces pays demeure un exemple d’équilibre et de résilience dans un monde d’économies géantes chancelantes.
Nous parlons fréquemment des principales économies du monde, dont les Big 5 (Etats-Unis, Chine, Allemagne, Inde et Japon), et d’autres économies telles que le Royaume-Uni, la France, l’Italie et le Canada.
Nous abordons également régulièrement le sujet des principales économies en voie de développement, comme le Brésil, la Russie, la Chine et l’Inde qui font partie des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) – un groupe qui s’est désormais étendu à onze autres pays, et dont la liste de ceux qui souhaitent l’intégrer s’allonge.
Enfin, nous avons souvent parlé de pays pris au piège du revenu intermédiaire. Il s’agit des pays dont le PIB par habitant est compris entre 5 000 $ et 15 000 $ par an, et qui tentent de se hisser vers un PIB par habitant élevé, que l’on situe à 20 000 $ par an ou plus. Il est extrêmement difficile d’y parvenir : historiquement, seuls quelques pays qui n’étaient pas déjà riches y sont parvenus. Ils se sont échappés de ce piège du revenu intermédiaire en partant de très bas (sans énormes réserves de pétrole). Il s’agit notamment de Singapour, de Taïwan, de la Corée du Sud et de Hong Kong.
Le club des pays riches… mais méconnus
Mais il existe un autre groupe de pays auquel nous ne nous sommes pas beaucoup intéressés, mais qui devrait pourtant attirer l’attention des investisseurs.
Ces pays figurent déjà dans la catégorie « revenu élevé », ne sont pas de grands producteurs de pétrole, mais possèdent de solides fondations économiques. Ils n’ont pas à s’échapper du piège du revenu intermédiaire car ils n’y ont jamais été pris. Dans le même temps, on les ignore souvent car leurs économies sont relativement modestes – de même, parfois, que leurs populations.
Ces pays sont méconnus de la plupart des investisseurs, mais peut-être à tort.
Nous les qualifions ici de « petit groupe néanmoins puissant » ou « PGNP ». Leurs populations et parts du PIB mondial ont beau être modestes, ces pays sont puissants sur les plans du PIB par habitant et des excellents résultats qu’ils offrent à leurs citoyens.
Ce groupe est le suivant (nous mentionnons aussi leur PIB par habitant) :
Chypre (41 132 $)
Slovénie (35 332 $)
République Tchèque (33 039 $)
Estonie (32 760 $)
Lituanie (30 835 $)
Slovaquie (27 130 $)
Pologne (26 805 $)
Barbade (25 901 $)
Croatie (25 674 $)
Hongrie (24 809 $)
Lettonie (24 374 $)
Uruguay (22 693 $)
Roumanie (21 421 $)
Panama (20 080 $)
Ces quatorze pays assez aisés échappent à l’attention de la plupart des investisseurs car ils sont « petits » à de nombreux égards.
Qui n’a pas pu y être intégré ?
En établissant cette liste, j’ai arbitrairement exclu certains pays dont le PIB par habitant est inférieur à 20 000 $.
Le Costa Rica n’est pas éligible car son PIB par habitant est de 19 095 $. J’ai exclu les pays producteurs de pétrole, ce qui explique qu’Oman n’y figure pas. J’ai également écarté certains paradis fiscaux comme Monaco, les Bermudes et l’Ile de Man, dont l’économie se fonde sur la finance et les célébrités, mais qui n’ont pas grand-chose à offrir aux investisseurs, en termes d’industrie ou de services non financiers.
Et, bien entendu, j’ai exclu les principales économies prises au piège du revenu intermédiaire, telles que la Russie (14 258 $) et la Chine (13 687 $).
L’intérêt de définir ce petit groupe est le suivant : identifier les pays qui font de l’excellent travail pour leurs citoyens mais ne font pas forcément partie des géants.
Quand on se base sur le PIB annuel par habitant au lieu du PIB global, cela produit des résultats intéressants. Selon cet indicateur, Chypre est plus riche que l’Italie, la Slovénie est plus riche que la Corée du Sud, et la République Tchèque est plus riche que l’Arabie saoudite.
Les points communs entre les membres de ce groupe
Quelques faits sautent aux yeux.
Onze de ces quatorze pays sont membres de l’Union européenne (tous, sauf la Barbade, l’Uruguay et le Panama). Sept d’entre eux (tous membres de l’UE) ont l’euro pour monnaie. La République Tchèque, la Pologne, la Hongrie et la Roumanie sont les quatre membres de l’UE qui ne sont pas dans zone euro.
Dix de ces quatorze pays sont membres de l’OTAN. Chypre est le seul pays européen de la liste qui ne fasse pas partie de l’OTAN, tout comme la Barbade, l’Uruguay et le Panama.
La Slovénie, l’Estonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Croatie et la Lettonie appartiennent à la fois à l’UE, à la zone euro et à l’OTAN.
Même s’il serait exagéré d’affirmer que cette liste de pays représente un club sélect’ UE/euro/OTAN, onze d’entre eux présentent au moins deux de ces trois caractéristiques.
Toutes ces économies bénéficient d’une main-d’œuvre assez qualifiée, de la libre circulation des capitaux, et sont attractives pour les investissements étrangers. Aucune d’elles ne déplore l’inégalité des revenus que l’on constate en Afrique, dans certaines partie d’Amérique Latine, et dans des oligarchies corrompues.
Les moteurs économiques de la Barbade sont le tourisme, le sucre de canne et les exportations de rhum. Economiquement, le Panama bénéficie aussi du tourisme, mais également des revenus générés par le canal du Panama et par un secteur financier en plein essor. L’Uruguay prospère grâce aux exportations de produits agricoles, aux activités bancaires et au tourisme.
Le ralentissement de la croissance est partout
Pour le reste des pays du PGNP, on peut sereinement dire que leurs économies ont tendance à évoluer (à la hausse ou à la baisse) au diapason de l’économie européenne en général et de l’Union européenne en particulier.
En ce moment, l’Allemagne est en récession, la France en est proche, et la croissance du PIB de l’Italie n’est que de 0,4 % en rythme annualisé. La plupart des membres de l’UE figurant dans ce groupe constatent également un ralentissement de croissance.
La croissance annuelle de la Slovénie n’est que de 0,7 %, celle de la Slovaquie de 0,6 %, celle de la Hongrie de 0,1 % seulement, celle de l’Estonie de 0,9 %, celle de la Roumanie n’est que de 0,3 %, et celle de la Lettonie (1,7 %) est en train de ralentir.
La croissance de la République Tchèque, de 2,6 %, est plus élevée que celle de l’Union européenne dans son ensemble, mais faible malgré tout. La Lituanie affiche une croissance décente de 3,1 %. Chypre s’en sort très bien avec une croissance de 3,3 %. La Croatie et la Pologne affichent une croissance encore plus forte de 3,4 %.
Six des onze membres de ce groupe appartenant à l’UE affiche un taux de croissance inférieur ou égal à 1,7 %. L’UE dans son ensemble a progressé de 1 % en 2024, et ne devrait progresser que de 1,1 % en 2025.
Mis à part quelques bons élèves (Lituanie, Chypre, Croatie et Pologne), ces chiffres de croissance soulèvent une question : est-ce que le fait d’être membre de l’UE et/ou de la zone euro est un frein à la croissance, au sein de ce groupe ? Et quelles politiques ces pays devraient-il envisager pour accélérer leur croissance ?
Ce qui plombe les pays du PGNP
Ces derniers temps, la Banque centrale européenne (BCE), qui imprime les euros et contrôle les taux d’intérêt appliqués aux actifs ou dettes en euros, a baissé ses taux d’intérêt (en agissant plus tôt que la Réserve fédérale américaine, à cet égard) afin de « stimuler la croissance ».
Mais l’histoire de l’économie nous enseigne que les taux bas sont associés à une récession et à une dépression. Il ne s’agit pas d’un outil de relance. Dans un contexte économique sain, les taux d’intérêt sont de 4 %, voire plus ; c’est le signe que les banques veulent bien prêter, que les entreprises empruntent volontiers et que les opportunités d’investissement produiront des rendements encore plus élevés et des spread (écarts) attractifs pour les banques.
Le fait d’être membre de l’OTAN pourrait plomber certains de ces pays. Trump a insisté pour que les membres de l’OTAN dépensent davantage pour leur défense. Sur le plan géopolitique, c’est peut-être un objectif justifié, mais est-ce vraiment le meilleur usage que des pays tels que la Slovénie, la Croatie, la Slovaquie et la Roumanie peuvent faire de leurs capitaux ?
Certains de ces pays pourraient également être plombés par ce que je qualifie d’imposture environnementale. Les efforts déployés pour fermer les centrales nucléaires et au charbon, en Allemagne, ont détruit la productivité industrielle germanique. Le pays a externalisé d’importantes tâches de production dans des pays tels que la Hongrie, où les coûts de l’énergie sont bien plus bas. La plupart des pays de ce PGNP ont souffert car Bruxelles fait pression pour recourir aux éoliennes et aux panneaux solaires, qui sont totalement inappropriés pour soutenir le réseau électrique, et représentent des obstacles majeurs à la croissance économique.
Ce groupe de pays détient un pourcentage raisonnable de ses réserves en or. Chypre arrive en tête, avec 55 % de ses réserves en or. On peut également citer Slovaquie (17,7 %), Pologne (15,1 %), Hongrie (14,7 %), Roumanie (10,7 %), Lettonie (10,2 %), Lituanie (7,6 %), Slovénie (9,1 %) et la République Tchèque (2,4 %).
Toutefois, quand ces pourcentages de réserve sont convertis en pourcentage du PIB, les ratios sont bien plus modestes.
Dans l’ensemble, on peut dire que les membres européens de ce groupe de 14 pays pourraient être attractifs pour les investisseurs. Ils enregistrent de meilleures performances que les principales économies européennes, n’ont pas une inflation excessive, et leur main-d’œuvre est qualifiée et productive.
Les clés de la future croissance
Ce groupe doit continuellement évoluer vers une production à forte valeur ajoutée. Cela exige d’investir en permanence dans l’éducation, ainsi que des programmes publics qui soutiennent le secteur manufacturier et soient attractifs aux yeux des investisseurs étrangers.
Parmi ces programmes, figurent le rejet de l’imposture environnementale, une faible fiscalité, la libre circulation des capitaux et une faible inflation.
Le filtre de ces politiques offre un bon moyen de déterminer lesquels de ces 14 pays sont sur la bonne voie. Les capitaux étrangers afflueront vers ces pays et les petits investisseurs leur emboîteront le pas.
