** Parfois, mieux vaut être un mauvais général.
– Sur le champ de bataille, les mauvais généraux tendent à avoir "une guerre de retard". Ils utilisent les tactiques militaires des précédents combats plutôt que d’élaborer de nouvelles stratégies correspondant à la campagne qu’ils mènent.
– En matière de finances, un mauvais général serait un bon investisseur, parce qu’un bon investisseur tend à avoir une guerre de retard. En d’autres termes, des investissements réussis demandent des attaques répétées contre des ennemis familiers — comme la hausse des taux d’intérêt.
– Cause, effet ou simple coïncidence, la hausse des taux d’intérêt tend à concorder avec la mortalité des marchés haussiers. Lorsque ces derniers approchent de leur terme, les signes de mauvaise santé tendent à apparaître d’abord dans le secteur financier. En d’autres termes, les valeurs des banques et des sociétés de courtages atteignent d’ordinaire leur sommet des semaines, voire des mois, avant les grands déclins boursiers.
– "Je regarde de près le cours de l’action Merrill Lynch (MER) depuis plus de dix ans", déclarait notre collègue Jeff Clark à la mi-janvier, "et — ne me demandez pas pourquoi — la valeur est l’un des meilleurs indicateurs boursiers avancés que je connaisse. Si l’évolution de MER est baissière, on peut parier quasiment à coup sûr que le marché dans son ensemble va chuter. Il y avait même un dicton, dans mon bureau de courtage : ‘Comme va Merrill Lynch, la Bourse va’."
– "En ce moment, le graphique de MER semble baissier… et s’il passe dans le rouge, ce sera mauvais signe pour le marché dans son ensemble".
– Il se trouve que Jeff avait prédit le sommet exact… de l’action Merrill Lynch. MER a reculé de 10% depuis la mi-janvier. Pendant ce temps, cependant, les marchés ont continué à foncer — grimpant de plus de 8% depuis que Merrill est redescendu de ses hauteurs.
– Cette curieuse divergence n’est pas si curieuse que ça. MER est simplement l’une des nombreuses valeurs sensibles aux taux qui tendent à atteindre leur sommet avant le reste du marché. Le Dow Jones Utility Average fournit lui aussi un assez bon indicateur avancé de la faiblesse boursière… et il est à la baisse.
– Dans la mesure où les taux d’intérêt grimpent depuis trois ou quatre ans — avec une accélération ces trois ou quatre derniers mois — les actions sensibles aux taux de toutes sortes vacillent. Ces deux dernières années, le rendement des bons du Trésor US est passé de 3,89% à un récent sommet de cinq ans, 5,29%. Les taux d’intérêt du côté court de la courbe des rendements grimpent aussi.
– Il n’est donc pas surprenant que le Utility Average ait atteint son sommet il y a un mois, et perdu 8% depuis. Néanmoins, l’indice Dow Jones large reste optimiste.
** Nous avons déjà vu ce champ de bataille. A la mi-juin 1987, les taux d’intérêt grimpaient en même temps que la courbe des rendements. Les actions Merrill Lynch ont atteint un sommet en janvier de cette année. Le Dow Jones Utility Average avait atteint le sien en mars. Mais le Dow large avait continué sa marche en avant — avec +28% à la mi-juin 1987.
– Le Dow continua à grimper jusqu’à la mi-août, où il s’arrêta avec un gain stupéfiant de plus de 40% depuis le début de l’année. Deux mois plus tard avait lieu le "Lundi Noir", le krach du 19 octobre 1987, qui a transformé les gains considérables du Dow en pertes tout aussi considérables.
– Le fait que les tendances boursières de 2007 présentent une étrange ressemblance avec celles de 1987 n’est pas forcément effrayant… mais c’est forcément inquiétant. On peut ajouter à cela le fait que les investisseurs sont devenus extrêmement complaisants et optimistes — ce qui, en tant qu’indicateur contrarien, suggère que le marché approche un sommet important.
– "Le rally boursier géant a ramené les ratios put/call du marché dans son ensemble aux niveaux prévalant lors de précédents sommets", observe Jay Shartsis, expert ès options. "L’un d’entre eux est le ratio put/call à 21 jour, pondéré par le dollar, pour les futures S&P 500. Il se trouve désormais à environ 44 cents de puts échangés pour chaque dollar de calls — bien inférieur au niveau de 3,25 $ environ de puts par dollar de calls atteint lors des planchers des marchés l’été dernier, et même des 2,40 $/1,00 $ lors du plus bas du 3 mars dernier, il y a trois mois seulement. Le niveau actuel représente donc le niveau le plus bas d’achat de puts — c’est-à-dire le niveau le plus élevé d’optimisme des traders en options — depuis plusieurs années, ce qui est bien entendu baissier, en termes contrariens".
– De plus, conclut Shartsis, "l’indicateur Titanic" a été déclenché la semaine dernière. Ce fort signal de vente apparaît chaque fois que "sept jours au plus tard après un nouveau sommet du Dow, on trouve plus de nouveaux planchers que de nouveaux sommets sur le NYSE. Cet indicateur a identifié avec une belle précision les précédents plus hauts des marchés".
– Hmmm… Il est temps de préparer les lignes de défense…